
Est-ce une reprise ? Un aboutissement ? Un legs dont quelqu’un décide d’assumer pleinement la valeur ? L’aube du solstice est un projet d’Alain Lefort, mais ce fut avant tout celui de Reno Salvail. Le solstice, comme la performance, auront donc lieu le 21 juin depuis l’Île Grande Basque.
À la mémoire de Reno Salvail (1947-2023)
L’artiste multidisciplinaire Reno Salvail, qui vient de nous quitter le 2 juin, était surtout un baroudeur de l’art tant ses projets l’ont mené en des lieux reculés dont il a pu faire l’expérience et au sein desquels il a inscrit ses interventions artistiques. De tous ceux-ci, il est parfois resté peu de choses, sinon des images qui offrent la trace de ce qui fut accompli avec le lieu, véritablement avec bien plus souvent qu’en celui-ci.
Le Solstice des baleines a donc d’abord été imaginé par lui. Il a assez méticuleusement documenté ce projet d’ériger des tours sur quatre îles au large du Saguenay; chacune orientée de manière à ce qu’une coupole en son faîte parvienne à capter le rayon du soleil levant du solstice de l’été, au mois de juin, et à le refléter dans les autres.
Au pied des tours, des haut-parleurs, déclenchés par la captation de ce rayon en cadrature, feraient entendre des enregistrements de cris de baleines qui, espèrait Reno Salvail, les attireraient au centre de ce cadran solaire nouveau genre, permettant à l’artiste de saisir leur présence. Dans le récit qu’il fait de cette expérience, la foudre survient en fin de journée, alors que tout est accompli, et frappe lesdites coupoles et tours dont bien peu d’éléments survivent à cette attaque.
Dans son livre Le Passage de la Grande Ourse, tout cela est adroitement décrit. Sauf que les îles qu’il a explorées et dont il offre des relevés savants, ont été inventées au gré de ses navigations en des lieux du fleuve. Bref, aux expériences artistiques et interventions décrites dans ce livre et réalisées dans des sites reculés, s’ajoute ce Solstice dont une grande part relève de l’affabulation la plus stricte. Et la plus inspirante, puisque c’est l’idée de réaliser concrètement cette équipée qui a inspiré Alain Lefort et qui le guide sur les eaux de Magtogoek.

Alain Lefort
Ce sont maintenant sur trois îles qu’Alain Lefort et son équipe tenteront de réaliser ce qui n’a pu l’être réellement une première fois. Mais c’est à Alissa Cheung que sera confiée la tâche de livrer une partition musicale. Un hydrophone et un microphone l’aideront : un sous l’eau, évidemment, et l’autre dans les airs. Ce qui sera ainsi capté s’ajoutera à sa performance qui intégrera des chants de baleines, des échantillons de pièces exécutées à l’aide d’aquaphone, de guitare électrique et de tuba et de ces clics que font les dauphins. Des institutions muséales se sont engagées à diffuser cette performance.
Le réalisateur Étienne Desrosiers est, lui aussi, déjà à pied d’œuvre et compte bien réaliser un documentaire cherchant à rendre compte de cette reprise et cette filiation qui lui apparaissent comme un « mille-feuille narratif » comme il se plaît à l’évoquer. Ce film ne pourra être cependant visionné qu’au cours de l’hiver 2023-2024.
Il y aura, en plus d’un balado prévu pour l’automne 2023, une autre répercussion à ce projet ; une exposition d’œuvres photographiques, vidéographiques et sonores en provenance des captations d’images et de bruits faites autant en avant-projet que dans le cours même du déroulement de la performance sonore du 21 juin prochain. C’est une réalisation qu’Alain Lefort entend mener à bien.
Pour celleux qui voudraient ne rien manquer de cette aventure, ajoutons que Yannick Marcoux est déjà au travail, lui qui tient une chronique hebdomadaire du projet et qui nous permet de voir le tout se déployer et arriver bientôt à son point d’aboutissement principal, autour duquel tout viendra s’arrimer.

Alain Lefort
L’aube du solstice, 21 juin 2023, depuis l’Île Grande Basque
