
Somnambules, de Geneviève L. Blais
Le 11e spectacle du Théâtre À corps perdus, Somnambules, est présenté dans une maison de Montréal et s’inspire librement du roman de Jean Cocteau Les enfants terribles. La pièce in situ nous perd parfois dans ses enchevêtrements, mais l’interprétation et la scénographies sont époustouflantes.
Après l’excellent Local B-17 présenté dans un entrepôt l’an dernier et mettant en vedette Marie-Ève Milot (Les barbelés) , la nouvelle production in situ de Geneviève L. Blais est un conte librement inspiré de Cocteau qui nous en met plein la vue et les oreilles.
Carl et Cindy sont frère et sœur. Comme tous les enfants, ils aiment jouer et, en lisant Les enfants terribles de Cocteau, ils repoussent constamment leurs limites et les règles du monde adulte. Adolescents, des sentiments troubles les assaillent et ils vont… trop loin. Leurs jeux interdits seront maqués par la jalousie et la cruauté.
On est bien dans l’univers de Cocteau, d’autant plus que les personnages de son roman, Élisabeth et Paul apparaissent telles des figures fantomatiques qui servent, en quelque sorte, de « doubles » aux personnages principaux. D’autres personnages du roman seront aussi évoqués, mais c’est là que les fils narratifs s’emmêlent quelque peu. Avec les ellipses temporelles et les changements de tons entre la langue de Cocteau et celle des Québécois, il devient facile de s’y perdre.
N’empêche, la mise en scène précise et rythmée de Geneviève L. Blais crée un véritable univers onirique envoûtant à l’aide d’une scénographie inventive et débordante, signée Fruzsina Lanyi, et des vidéos de Sylvio Arriola.
Les spectateurs déambulent dans plusieurs pièces de cette maison, située dans Côte-des-Neiges, en allant de surprises en mystères. Somnambules crée un sens du merveilleux qui devient parfois renversant. C’est celui des enfants et des adultes qui le restent toujours un peu. Imaginatifs, secrets, joueurs, mélancoliques.
Les interprètes adultes – Alain Fournier, Marie Cantin, Étienne Pilon et Sylvie De Morais-Noguiera – sont excellents. En alternance certains soirs, les jeunes actrices et acteurs qui jouent Cindy et Carl enfants et adolescents démontrent également un bel aplomb dans des conditions qui n’ont rien d’habituelles.
Bref, si la pièce aurait bénéficié d’une ligne dramatique plus claire, le produit final envoûte en raison d’une inventivité de tous les instants. Dans le monde du rêve, tout est permis et rien n’est possible. Jean Cocteau l’avait bien compris, que ce soit dans ses livres, ses dessins ou ses films, et Somnambules rend bien hommage à ce grand rêveur éveillé, iconoclaste et irrévérencieux.
Somnambules est présenté in situ dans une résidence de Côte-des-Neiges jusqu’au 31 mars. Pour réserver: http://www.acorpsperdus.com.
