FTA: Improvisation mixte comparée ou le pouvoir d’évocation du théâtre

Fantasia est présentée jusqu’à dimanche au Centaur.

La metteuse en scène polonaise Anna Kasrasińska « joue » au théâtre ou plutôt avec les codes théâtraux dans Fantasia. Cette courte forme imaginative fait beaucoup rire. Un exercice de laboratoire scénique sans quatrième mur, sans texte, voire sans pièce. Toujours accessible et sympathique.

Certain.e.s préfèrent le faire dans l’obscurité, d’autres en pleine lumière. Adepte de la deuxième méthode, Anna Kasrasińska base son travail théâtral sur le fait de voir et d’être vu. Sans fard, sans préjugés non plus. Parfois même sans vêtements (enfin celui du haut s’entend). Et dans une désinvolture et un humour de presque tous les instants.

La metteuse en scène est cachée derrière la salle pendant qu’elle lit des phrases que six interprètes doivent représenter sur scène. Elles et ils ne savent pas ce qui s’en vient et n’improvisent bien souvent qu’avec des expressions faciales: un sourcil relevé, un sourire en coin, un regard ahuri ou menaçant…

Anna Kasrasińska utilise l’une des techniques de base des tout premiers cours d’interprétation pour en faire un spectacle drôle, touchant, parfois tragique. Les phrases vont approximativement de « Untel joue un personnage qui a honte de danser sur une musique qu’il aime » à « Untel joue un personnage qui pourrait porter une ceinture remplie d’explosifs sous ses vêtements ».

Ces rares moments d’intensité viennent interrompre une trame plus drôle qu’autre chose, par moments philosophique, poétique aussi. Les interprètes nous voient et nous les voyons. Elles-ils se laissent aller à des fous rires partagés par le public. Fantasia est une véritable boîte à surprise avec ses moments de grâce, de partage et de réflexion.

Cette fantaisie ludique est rendue possible, notamment, par des actrices.teurs qui ont plusieurs cordes à leur arc et qui réagissent à la seconde près avec peu de moyens. De bénéfiques déplacements, pas de danse ou monologues/dialogues ajoutent également du rythme dans cette mécanique aléatoire.

N’empêche, restreints dans leurs expressions physiques et ignorants de la prochaine phrase, les interprètes agissent un peu beaucoup comme des marionnettes entre les mains d’une véritable metteuse en scène qui, sans se montrer autoritaire, contrôle le déroulement du spectacle.

Une deus ex machina qui arrange et réarrange constamment « l’action » à sa guise. Mais, là encore, le théâtre a, de tous les temps, porté cette ambiguïté en lui. Quelque part entre liberté et rigueur.