Quasi niente est présentée à l’Usine C jusqu’à samedi.

Après des prestations remarquables en 2016 au FTA couronnées par un prix de la critique, le duo italien composé de Daria Deflorian et d’Antonio Tagliarini nous revient avec Quasi niente (Presque rien), un spectacle empreint de respect et de tendresse au sujet de la solitude des dépressifs et autres névrosés. Ces ombres qui parlent et se demandent comment rejoindre la réalité. « Pourquoi et comment toujours vivre, vivre, vivre si on ignore quoi regarder? ». Une pièce poétique, touchante.
Elles-ils sont des ombres. Ombres d’eux-mêmes d’abord, mais presqu’invisibles également aux yeux des autres. Elles-ils n’en parlent pas d’ailleurs, ne se parlent pas. Quasi niente est une suite de monologues qui nous font entrer dans la tête d’êtres dépressifs qui n’ont rien d’anonymes. Ces personnages approchant parfois la crise de nerfs se livrent simplement sans s’apitoyer, sans quêter de pitié.
Elles et ils ont vu et revu le film Le désert rouge de Michelangelo Antonioni avec Monica Vitti, l’avant-dernier que les deux auront fait ensemble. Un hommage d’un cinéaste à sa muse dont le personnage à la dite dérive psychotique est atténuée par des plans filmés amoureusement. Un chef d’oeuvre de l’avant-garde narrative en 1964, d’un esthétisme effarant, nourri de plans marqués par les douleurs vives d’Antonioni et doté d’une bande-son étrange, dont on retrouve quelques traces dans la pièce.
Les cinq personnages parlent ici de quotidien et de souvenirs, guère plus. D’infinis détails de leur vie qui peuvent paraître insignifiants, mais sont essentiels à leur équilibre. Sur scène, quelques commodes – dont l’une a accueilli un nouveau-né exactement comme dans Tous des oiseaux de Mouawad, coïncidence ou continuum des mélancolies? – , des chaises et un fauteuil rouge comme le désert qui les habitent.
Elles.ils sont attaché.e.s à ces meubles, seuls objets sur lesquels elles.ils peuvent se frotter sans avoir peur d’abîmer davantage le centre de leurs faiblesses. Jusqu’à temps que l’un de ces objets se mette à émettre un bruit inquiétant… Il y a de la poésie dans ce bel objet scénique, cette « enquête » presque documentaire sur la non-vie. De l’humour surprenant aussi et des chansons pour bercer l’âme.
Les malaises de ces petites bêtes tristes sont visibles sans être ostentatoires. Ils se laissent deviner doucement, caresser de quelque empathie que l’on pourrait ressentir pour l’un.e ou l’autre. Leur fragilité ne choque guère parce qu’on la connaît, la côtoie, la vit aussi parfois.
Ces ombres existent même si on refuse si souvent de les voir, les sentir, les aimer.