Théâtre: (Re)construire aujourd’hui

Pas question de se reposer sur les lauriers d’un 50e anniversaire bien occupé au Centre du Théâtre d’aujourd’hui. Le directeur artistique Sylvain Bélanger a plutôt choisi de se relever les manches en 2019-2020 et de tendre les bras vers la(les) communauté(s) d’un Québec divisé par mille questions plus ou moins existentielles. Le CTDA se demande ce que l’on peut (re)construire et/ou (re)commencer ensemble aujourd’hui. D’ailleurs, des travaux de rénovation repousseront le début de la programmation jusqu’à la mi-novembre.

Sylvain Bélanger, photo: Valérie Remise

La prochaine saison du Théâtre d’aujourd’hui s’ouvrira avec le projet monumental de Christian Lapointe, Constituons! (présenté en primeur au FTA en juin). Le metteur en scène et auteur travaille depuis trois ans sur cette constitution citoyenne, dont le texte devrait bientôt être déposé à l’Assemblée nationale, qui donne la parole aux Québécois de toutes régions et origines afin de rêver le Québec des possibles.

 » J’ai eu la primeur de la lecture du texte et ça m’a fait un bien immense de l’entendre, note Sylvain Bélanger. Le préambule est vraiment touchant. Je sens qu’on est vraiment dans le Québec de 2019 avec tous les bouleversements récents avec ce texte qui parle du « nous », des « autres », des Premières nations. C’est faramineux comme travail de la part de Christian qui n’a pas écrit une ligne de la constitution et qui en parlera sur scène. C’est un grand exercice de démocratie. »

Sylvain Bélanger souligne qu’il a choisi des spectacles de lendemain d’anniversaire qui montrent qu’on « a besoin des autres pour se réécrire », mais .ce ne sont pas des opinions » que les textes de la saison mettront en avant-plan. En janvier, la deuxième pièce dans la grande salle sera Corps célestes de Dany Boudreault, « une pièce sur l’émancipation du corps où l’impudeur côtoie la beauté » qui met en vedette le petit-fils de Marc Favreau, Gabriel Favreau en ado fragile, dans une mise en scène d’Édith Patenaude.

Sylvain Bélanger dirigera ensuite un nouveau texte de Rébecca Déraspe, Ceux qui se sont évaporés. Le metteur en scène affirme qu’il s’agit .l’une des plus belles pièces » qu’il a lues lors des dernières années. Inspirée par une pratique répandue au Japon où des gens paient des agences pour disparaître et refaire leur vie, l’autrice a écrit un texte où l’oubli s’avère impossible pour la famille et les enfants de la personnes disparue.

La saison dans la salle principale se terminera avec Pas perdus, un troisième et tout nouveau documentaire scénique, incluant des portraits de gens de tous horizons, du duo Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier.

« Ils ont fait leurs entrevues audio pendant un an et demi sur l’ensemble du territoire montréalais cette fois, explique le directeur artistique. Il y a un lien qui unit tous les gens retenus. Il y a un phénomène qui relie des témoignages qui nous enseignent quelque chose sur la mémoire et la transmission. »

Un événement spécial aura lieu en décembre 2019: le spectacle L’abécédaire autochtone, organisé avec le Jamais lu, où l’artiste en résidence Émilie Monnet invitera 13 artistes des Premières nations autour de mots n’ayant pas d’équivalent en français.

Salle Jean-Claude Germain

La petite salle du CTDA restera le lieu des découvertes en création québécoise la saison prochaine. Pascal Brullemans a écrit et mettra en scène sa pièce Éden, un texte sur l’engagement dans et en dehors du couple.

« Pascal pose la question de l’intimité d’un couple sur scène et jusqu’où ça peut aller, dit Sylvain Bélanger. Le couple qui survit à plein d’épreuves, incluant la politique, les communications, la dépendance affective, la culture. C’est assez beau et drôle. »

Originaire de Québec, Olivier Arteau entrera en résidence au CTDA et proposera en janvier Made in Beautiful sur une famille entremêlée dans les fils de l’actualité du référendum de 1995. Ensuite, la poète Marjolaine Beauchamp présentera, après Ottawa et Québec, sa percutante pièce M.I.L.F. sur la maternité et la sexualité.

« Olivier possède une langue forte, qui déménage, en utilisant de nouvelles formes dramaturgiques, indique Sylvain Bélanger. Quant à Marjolaine elle sera aussi en résidence chez nous avec son metteur en scène Pierre Antoine Lafon Simard. Ce sont trois figures de femmes qui nous bouleversent dans cette pièce. »

Pour terminer la saison à Jean-Claude Germain, deux surprises en solo attendent le public: Maurice, une pièce écrite et interprétée par la directrice artistique du Trident à Québec, Anne-Marie Olivier à propos d’un homme aphasique. Puis, Evelyne de la Chenelière jouera dans Pacific Palisades, un texte écrit par Guillaume Corbeil et mis en scène par Florent Siaud.

« Le combat des mots et des bons mots n’est jamais gagné comme le démontrera la performance d’Anne-Marie qui demandera une volontaire du public tous les soirs pour aider son personnage à sortir de l’aphasie. C’est vraiment beau, affirme Sylvain Bélanger. Et Evelyne, de son côté, joue Guillaume Corbeil! Elle parle en son nom. Guillaume s’est intéressé à un Américain fabulateur qui se disait mi-humain, mi-extra-terrestre. C’est une forme de théâtre documentaire qui propose, en fait, un plaidoyer pour la fiction. »

infos: theatredaujourdhui.qc.ca