ARTS VISUELS: Milutin Gubash, magicien

En toutes lettres est fier d’accueillir un nouveau collaborateur, Sylvain Campeau, qui, à compter de maintenant, nous entretiendra d’arts visuels. Bienvenu Sylvain.

Milutin Gubash, La main du magicien dans la froide lumière du jour, vue d’exposition, MAC LAU, 2019. Photo : Lucien Lisabelle

Le Musée d’art contemporain des Laurentides présente jusqu’au 5 avril les oeuvres récentes de Milutin Gubash sous l’intitulé c’est La Main du magicien dans la froide lumière du jour. Le grotesque et le chaos se côtoient dans l’exposition du commissaire Michel de Broin. Entre idéalisme et désabusement.

Sylvain Campeau

Le Musée d’art contemporain des Laurentides, plus communément appelé le MAC LAU a été inauguré en 2010 dans l’ancien palais de justice de la ville de Saint-Jérôme, l’un des bâtiments patrimoniaux près du Parc Labelle. Il prend la relève de la Galerie d’art du Vieux Palais et du Centre d’exposition du Vieux Palais qui l’ont précédé en ces lieux.

Depuis quelques années, il s’est donné l’objectif d’aller un peu au-delà de la mission traditionnelle des musées qui est d’offrir des expositions successives d’artistes simplement passant en ses espaces. C’est l’intention avouée de la série Rencontre, qui est de proposer au public des retours périodiques d’un même artiste sur une période de deux ans. Dernièrement, c’est Milutin Gubash qui a été invité à entamer avec le public un tel dialogue qui va bientôt se clore sur une participation à un événement particulier.

En 2019, une exposition de son travail a donc eu lieu du 13 février au 1er mai avec l’exposition One Thousand Years. Le hall d’entrée du Musée, au 2e étage, exhibe toujours depuis son plafond, les fameuses lampes dont on a vu plusieurs exemplaires depuis 2015. Mais cette fois, et jusqu’au 5 avril, c’est La Main du magicien dans la froide lumière du jour que nous présente Milutin Gubash.

La pièce centrale est une installation assez active, merci. On est d’abord surpris, à l’entrée, de voir s’activer un vélo à moteur, sorte de petite machine plus tout-à-fait vélo et presque pas encore moto. Elle est séparée de nous par un rideau de plastique qui l’entoure complètement alors qu’elle vrombit constamment. Un tuyau du genre conduit de sécheuse permet aux émanations de gaz carbonique d’être éjectées de l’espace d’exposition. C’est ce qui nous apparaît tout d’abord. Mais on note aussi assez rapidement que des câbles électriques semblent aussi émaner de l’ensemble, depuis des dynamos ajoutées à la roue arrière et produisant, vraisemblablement, une énergie électrique. Cette impression est renforcée par le fait qu’un lointain éclairage, dans la salle adjacente, semble à l’occasion varier en intensité.

Cet espace présente le corps principal de l’installation qui se décline en deux pièces. La première montre un ensemble désordonné formant scène chaotique. Des mannequins et des membres déchiquetés, dont l’allure générale rappelle le personnage qu’a joué Milutin lui-même au sein de ses séries photographiques et vidéographiques antérieures, sont partout répandus, actionnant malaisément des appareils de captation visuelle de différents types, perches et boîtes de projecteur en sus. C’est une scène de cauchemar, grotesque tout de même, grinçante, qui évoque un lieu victime d’une explosion. C’est là, assurément, l’effet recherché.

Une seconde installation renchérit sur cette première impression. Une image photographique, émise depuis un vieil appareil de projection, se profile sur un écran qu’obstrue bien inadéquatement une feuille d’aluminium dansante, animée par le souffle d’un ventilateur. Celle-ci nous arrive de la Première guerre mondiale et montre des cadavres de femmes et de jeunes enfants serbes. La première scène installative, elle, s’inspirait d’une photographie, proprement horrible, prise après le bombardement du marché de Markale, à Sarajevo, durant la guerre de Bosnie-Herzégovine.

Milutin Gubash, La main du magicien dans la froide lumière du jour, vue d’exposition, MAC LAU, 2019. Photo : Lucien Lisabelle

Une galerie fermée nous convie à la pièce finale de cette exposition. Il s’agit de celle qui prête en partie son nom à l’ensemble. La Méthode du magicien reprend, modifié, un texte écrit par le grand-père maternel de Milutin, qui partage avec celui-ci son prénom. À l’intérieur, ne trône vraiment rien de notable! On pourrait bien être dans un espace d’entreposage. Des œuvres d’art sont empilées au centre, dans le désordre. Le tas invite même au feu du bûcher. L’éclairage est diffus.

Mais se font entendre deux voix qui récitent un texte, s’échangent des répliques. Le tout est accompli sur un ton monocorde, robotisé. Les voix sont sans expression aucune. Il semble être question d’une confrontation entre l’idéalisme d’une voix jeune et le désabusement d’un plus vieux, devant les idéaux que promettent la société yougoslave.

 On en saura bientôt plus long à leur sujet. Car ce texte sera mis en scène, le 22 mai prochain, dans le cadre du festival Les Nourritures terrestres. Cet événement en sera à sa troisième année. Pluridisciplinaire, il est réalisé en partenariat avec Diffusion En Scène – le Théâtre Gilles-Vigneault. Musique, arts vivants, arts contemporains et arts culinaires s’y côtoient.

L’exposition La Main du magicien dans la froide lumière du jour est présentée au Musée d’art contemporain des Laurentides jusqu’au 5 avril.