LITTÉRATURE: Dernier tour d’Écrou

Ils ont révolutionné le petit monde de la poésie québécoise depuis plus de 10 ans en créant une maison ouverte aux quatre vents et en donnant un espace aux nouvelles voix comme Maude Veilleux, Frédéric Dumont, Marjolaine Beauchamp, Daniel Leblanc-Poirier, Daphné B. , Shaw Cotton… Des poètes qui font la poésie québécoise contemporaine. Mais Jean-Sébastien Larouche et Carl Bessette ont donné leur dernier tour d’Écrou. Leur maison d’édition fermera ses portes cette année.

« Ce n’est pas une question d’argent ou de finance, lance d’entrée de jeu Jean-Sébastien Larouche. Tout le monde pensera ça, mais c’est beaucoup plus complexe. Carl et moi, on s’était dit qu’on arrêterait quand on n’aurait plus de fun. On voulait brasser la poésie québécoise, je crois que c’est réussi, mais on manquait de temps et ça ne nous permettait pas de bien servir les auteurs. On part avec le sentiment du devoir accompli. »

Les deux poètes et éditeurs ont chamboulé le petit monde de la poésie québécoise en proposant des nouvelles autrices et de nouveaux auteurs avec des textes que certains qualifient de « trash », d’autres de « crus », on dira plutôt « authentiques ». Écrits dans une langue d’ici et maintenant, slam ou pas, avec un verbe direct, sincère, qui dit tout et souvent ce qu’on n’est pas prêt à entendre.

« On a commencé L’Écrou pour découvrir des voix et on en a découvert des tonnes, mais c’est de plus en plus rare », explique Jean-Sébastien Larouche.

Les deux amis avaient notamment envie de se retrouver en « chums » et non plus en tant qu’associés. Cette aventure à deux ne pouvait pas non plus se diluer dans une autre maison d’édition, pas plus que se partager à plusieurs. L’Écrou a toujours été serré en duo, en faisant à leur façon, et, surtout, sans subvention.

« Aux fans, un mot pour vous annoncer que les deux recueils sur lesquels nous sommes en train de travailler seront les derniers publiés par la maison. Les Éditions de l’Écrou manquent cruellement de souffle afin de poursuivre leurs activités et doivent assumer cette fatalité. Nous espérons avoir un brin bousculé nos pairs et le milieu poético-littéraire québécois avec nos façons de faire au fil des ans », ont-ils écrit sur Facebook.

Deux autres recueils seront publiés en 2021, dont un livre de Jonathan Charette sur Kurt Cobain. Le plus récent recueil de cet ex-Prix Émile-Nelligan, Biographie de l’amoralité, publié au Noroît, n’aurait d’ailleurs pas dépareillé le catalogue de L’Écrou qui comptera au final plus d’une quarantaine de titres. Des livres vendus à petit prix qui ont amené à la poésie beaucoup de nouvelles lectrices et lecteurs.

« C’est ce qu’on voulait faire. Les jeunes qui nous lisent nous disent souvent, mais à part L’Écrou, il y a quoi? J’espère juste qu’une relève va suivre.  »

Aux poètes déjà nommé.e.s, on pourrait ajouter les noms de Virginie Beauregard D., Rose Eliceiry, Philippe Chagnon, Marie Darsigny, Jean-Christophe Réhel, Baron Marc-André Lévesque, Emmanuel Deraps, Audrey Hébert… Des signatures toutes singulières dont on n’a pas fini de lire et d’entendre parler.

« Nous insérons graduellement la clé dans le verrou de la porte que nous avions ouverte chaleureusement. Mais non sans vous remercier mille fois, vous, les fans, les aficionados, les « c’est-la-première-fois-que-j’aime-la-poésie », qui ont su nous submerger de bonheur depuis nos tout premiers balbutiements jusqu’à hier encore. Merci à vous, lectrices et lecteurs, vous serez et pour toujours un de nos souvenirs les plus précieux », écrivent-ils écrit en guise de conclusion.