
Évitant la cohue des musées à ce moment-ci de l’année, un détour par le 1700 de la Poste apaise amplement la soif d’art visuel. L’exposition Les états limites regroupe les travaux de trois artistes œuvrant en gravure: Guy Langevin, Tracy Templeton et Ariane Fruit. Trois créateurs aux techniques différentes qui savent capter la lumière, les traces et la mémoire dans une sorte d’odyssée de l’espace pictural. Il reste trois semaines pour en profiter.
Les graveur.e.s Guy Langevin, Tracy Templeton et Ariane Fruit, ont ceci en commun: dans la nuit noire des processus techniques imposés par la gravure, il et elles font apparaître des points, des étoiles, des lignes, des constellations. Leur exposition collective Les états limites: gravures, est une odyssée de l’espace, un voyage où l’humain devient poussière d’étoile.
Guy Langevin nous présente principalement des corps en mouvement. L’artiste originaire du Saguenay, qui dit être venu à la manière noire pour la lumière, utilise le caractère physique dans une perspective humaine plus large. Maître du gris, il cherche et trouve le mouvement. Il est à l’affût des sensations provoquées par le velouté de l’encre pour se rapprocher ainsi de certaines émotions.
On croit être devant des créations abstraites, mais en prenant le temps de sculpter du regard ces formes inhabituelles, on saisit un élan, un recroquevillement, une danse. Guy Langevin crée des images profondément évocatrices. Il décompose et recompose également comme si le temps était un élément constitutif de sa démarche. Pour paraphraser Gilles Deleuze à propos du cinéma dans L’image-temps, le graveur « ne présente pas seulement des images, il les entoure d’un monde ».

Mezzotinte sur papier Hahnemülhe © Guy Langevin
Tracy Templeton, de son côté, pratique la photogravure tout en faisant grandement appel, aussi, à l’imaginaire. Les corps sont absents, mais impossible de faire abstraction des traces qu’ils ont laissées dans les draps encore « chauds ». Comme il est tout aussi impossible de ne pas y voir un renvoi aux plis et replis habillant les sculptures classiques.
C’est particulièrement évident dans les grands formats de l’artiste canadienne qui vit désormais aux États-Unis. Les paysages enneigés ou les ciels étoilés du Nord hantent ses œuvres, dénotant une certaine nostalgie. Dans le geste, toutefois, il est clair que Tracy Templeton éprouve un grand plaisir à juxtaposer des photographies pour créer des tableaux qui ont quelque chose d’organique, voire de sensuel.

Enfin, l’artiste française Ariane Fruit est exposée pour la première fois à Montréal au 1700 La Poste. Formée en photographie, elle crée des linogravures grand format qui utilisent la perspective – voir Scène de crime ci-haut – pour nous donner l’impression d’un vacuum spatio-temporel où, dans ce cas précis, l’artiste semble dessiner un ciel de nuit au plancher.

Linogravure sur papier 100 cm x 175 cm © Laurent Lafuma
La graveuse se plaît également à prendre de multitudes photos dans les transports en commun, images qu’elle recompose par la suite. Les visages disparaissent et les corps en mouvement créent une forme d’évanescence, de fusion dans l’espace. Dans un lieu de passage comme le métro, Ariane Fruit oppose l’intime et le collectif. Ce travail résolument contemporain évoque ici des images pixelisées. Traces d’humains sur fond noir qui offrent également une qualité de type BD.
Les états limites: gravures est présentée au 1700 La Poste jusqu’au 5 janvier.