
Espace Go s’est armé jusqu’aux dents en ce début de saison en présentant Les louves, une pièce mise en scène et interprétée par de jeunes artistes énergiques et affamées. La coach de l’équipe Solène Paré et ses neuf joueuses remportent ce match de la vie où des adolescentes vivent des montagnes russes d’émotions.
La metteuse en scène Solène Paré joue désormais dans la cour des grandes. Sa première mise en scène – l’artiste en résidence avait monté Quartett dans la petite salle l’an dernier – sur la scène principale d’Espace Go, Les louves, est une vraie réussite en raison d’une direction d’actrices assurée et d’une utilisation de l’espace inventive.
Disposée sur la longueur, la scène offre une aire de jeu avec terrain de soccer intérieur à la surface synthétique et lignes de touche. L’équipe des Louves fait son entrée au son d’une musique techno venant ponctuer chacun des tableaux de la pièce qui sont autant de séances de réchauffement avant les parties disputées.
Les dialogues de la dramaturge américaine Sarah Delappe, traduits avec genre tsé tellement d’acuité par Fanny Britt, forment la raison d’être de la pièce. Ces presque adultes parlent cru et franc. Tous les sujets de conversation y passent: des Khmers rouges aux petits enfants mexicains enfermés dans des cages à la frontière, des menstruations à l’avortement en passant par les garçons, mais pas trop.

Tout en s’échauffant et en courant, les joueuses ridiculisent les coachs – ce qui est particulièrement dur à entendre pour un entraîneur ayant passé dix ans sur les lignes de touche – s’haranguent entre elles, se disputent et se réconcilient le temps d’avaler un peu d’eau.
Faisant partie de la même équipe depuis plusieurs années, ces joueuses d’élite forment surtout un groupe soudé, une petite communauté visant la victoire en prenant soin de ne laisser aucune soldate sur le champ de bataille. C’est la beauté du texte: créer cette illusion, à notre époque si individualisée par la technologie, que le collectif reste une force incontournable.
Les particules peuvent se frotter les unes aux autres, connaître des épreuves personnelles et/ou familiales, souffrir de maux psychologiques, de complexes, d’incertitudes, de fragilités, mais, ensemble, elles se sentent invincibles.

Malgré quelques moments plus statiques en cours de match, Solène Paré tire le maximum de l’espace longiligne et de jeunes actrices fort douées, dont certaines ont encore peu d’expérience scénique, ce qui fait penser à la pièce 21, présentée en fin de saison dernière au CTDA, avec l’excellente recrue Marine Johnson en joueuse de basket.
Peu importe, l’esprit de groupe les aide là aussi à traverser ce spectacle très physique. Plusieurs des échanges se déroulent durant de véritables exercices de réchauffement d’avant-match. Chapeau d’ailleurs à l’entraîneur Joel Chancy qui arrive à nous fait croire que ces jeunes femmes ont déjà toutes beaucoup joué au foot!
Les louves est une comédie noire rassurante en ce sens qu’elle nous fait voir une jeune génération inquiète, mais lucide face aux adultes et aux actualités déprimantes. Intelligentes, curieuses, le joueuses savent rire à gorge déployée des inepties du monde qui les attend. Solidaires, elles trouveront en groupe la force de faire face à la tragédie.
Le cœur et les valeurs à la bonne place, elles sont belles à voir.
