
L’une des plus belles pièces de cette fin de saison théâtrale, le touchant texte de Rachel Graton, 21, est jouée par deux excellentes comédiennes, Marine Johnson et Isabelle Roy et mise au en scène avec un sens dramatique inouï par Alexia Bürger.
Zoé, une adolescente fugueuse et colérique est placée dans un centre jeunesse par son père célibataire qui ne sait plus comment réagir face aux mésaventures de sa fille. Sara, intervenante sociale, s’occupera d’elle. Elle devra gagner sa confiance pour, d’abord, la faire parler, puis l’amener peu à peu à creuser son passé douloureux afin de lui permettre d’entrevoir un avenir plus positif. Pour ce faire, les deux femmes se retrouvent chaque semaine dans un gymnase pour jouer au basket.
Le jeu n’est ici qu’un prétexte pour permettre: un rapprochement, un échange, une transformation. La partie ne sera pas facile. Marine reste longtemps obstinément muette. Et à près de 40 ans, Sara est elle-même désabusée face à son milieu travail et souhaiterait plus que tout s’engager dans une relation amoureuse stable.
Le merveilleux texte de Rachel Graton raconte la rencontre féconde de ces deux âmes solitaires. Il y aura des rechutes, de part et d’autre, mais Zoé et Sara en sortiront, chacune à sa façon, avec de l’espoir au cœur. Après avoir écrit une partition complexe à cinq voix, qui portait sur un viol, la dramaturge réussit ici à trouver un chemin vers la bienveillance pour ces deux sœurs de sang. Au-delà des colères et des violences que les deux ressentent, au-delà de l’enfer que représentent souvent les autres et dans une intimité qui fait fi de l’indifférence généralisée.

Alexia Bürger est en parfaite synchronie avec ce texte bien construit dans sa mise en scène intelligente et dynamique. Elle amène les merveilleuses Marine Johnson (Zoé, une véritable révélation dans son premier rôle au théâtre) et Isabelle Roy (Sara, à la fois forte et vulnérable de justesse et de générosité) à des moments de tension foudroyants et de rapprochements émotifs qui ne laisse personne indifférent.
Le langage est cru, direct. Les échanges frontaux, les blessures vives. C’est une réalité dure et insondable que le quatuor aborde avec doigté et rigueur. Elles se situent, avec ce travail exceptionnel, à mille lieux de reportages souvent simplistes sur la vie en centre jeunesse et de chroniques larmoyantes qui refusent de creuser plus loin, pointant plutôt un doigt accusateur et moraliste.

Même si Marine Johnson sait jouer très bien au basket, le 21 n’a pas d’importance aura-t-on compris. Il n’y a pas de duel, de compétition ou même de ces clichés qu’on nous sert trop souvent sur « l’estime de soi », « la compassion » et « l’amitié ». 21 est une pièce sans guillemets qui redonne un sens aux expressions pré-citées, mais aussi à des mots comme accepter, réfléchir et se relever rebondir encore et encore, vocation, entraide, persévérance, amour fraternel, paternel et respect.
Souhaitons que cette excellente pièce soit vue par le plus grand nombre et pourquoi pas, tiens, à Denise-Pelletier, après une tournée québécoise où parents et adolescents pourront sortir de la salle en trouvant des mots pour se dire.