
Voici un roman d’une actualité brûlante qui parle de personnes en perte d’autonomie et d’anges gardiens. Le sixième roman d’Andrée Laberge, L’espoir de la beauté, chez Pleine lune, ne pêche pas par excès d’originalité. Toutefois, la romancière sait reconnaître et raconter une bonne histoire. Et elle atteint son but: celui de nous faire croire que l’humanité, après tout, peut encore espérer.
Le personnage principal du roman L’espoir de la beauté d’André Laberge est un homme d’âge mûr atteint d’une maladie dégénérative et qui ne peut à peu près rien faire seul. Acariâtre, antipathique, fantasque, orgueilleux, clown et mauvais poète, bref, il n’est pas du genre auquel on s’identifie d’office. Et ce, même si on peut comprendre, par moments, ses frustrations d’homme dépendant des autres et de leur bonne volonté.
D’ailleurs, la romancière ne cherche pas notre notre pitié. Elle parle de lui au « tu », soutenant ainsi une saine distance entre le patient et nous. D’autre part, de vrais anges gardiens – un préposé qui lui sauve la vie, son frère repentant et une voisine maladroite – s’attellent justement à l’empêcher de songer davantage au suicide dans sa condition désespérée.
Heureusement, l’homme rêve. La nuit, le jour, il a l’impression de parler à Dieu, auquel il ne croit pas, et d’échapper un tant soit peu, par la pensée et un esprit curieux, à la prison de son corps et de son fauteuil/corbillard roulant. Dans une vie précédente, il avait mené une vie presque normale, travaillait, aimait et était aimé. Mais se sachant malade, il avait décidé de tout rejeter en sombrant peu à peu dans l’alcool et la dépression.
C’est le genre d’histoire qu’on a lu ou vu au cinéma. Andrée Laberge ne possède pas un style particulier. L’écrivaine n’échappe pas non plus à , recourir aux bons sentiments. Mais en fine psychologue et excellente conteuse, elle crée et maintient la curiosité du lecteur qui tournera et tournera les pages sans pratiquement s’en apercevoir.
Impossible de ne pas songer non plus à l’époque qui est la nôtre au moment où des humains s’occupent de leurs semblables dans les pires conditions et, parfois, au risque de leur vie.Oui, c’est là que réside l’espoir de la beauté.
« J’ai peur qu’on n’ait plus besoin d’hommes et de femmes pour se reproduire. J’ai peur qu’on engendre des êtres parfaits, invulnérables et immortels. J’ai peur qu’on se construise un monde déshumanisé, froid et sans cœur qui éliminerait à la source les faibles, les non-conformes, les déviants. J’ai peur d’un monde qui ne tolérerait plus qu’une branche disgracieuse se tende pleine d’espoir vers le ciel, haute et fragile, pour jouir de la caresse du vent, de la lumière du soleil sur son écorce nue. »
Le personnage principal laissera d’ailleurs tomber des pans de sa carapace d’endurci pour s’émouvoir lui aussi d’un geste bienveillant et gratuit, d’une ouverture vers sa petite personne qui n’a même pas été demandée.
Ainsi, au fil des péripéties et de dialogues bien tournés, la romancière dévoile peu à peu les motivations, les rêves, les raisons qui poussent les un.e.s et les autres à agir comme il et elles le font.
C’est la beauté de l’espoir qu’on peut encore éprouver quand on voit la compassion et la générosité se pratiquer librement et malgré tout. Quand on comprend que plusieurs vivent encore aujourd’hui en tendant une main ou en ouvrant les bras.
C’est déjà ça, chanterait Alain Souchon.
Andrée Laberge
L’espoir de la beauté
Pleine Lune
224 pages