LE POÈME DE LA SEMAINE

La poésie arrive à tout dire tout le temps. La poésie est libre. Pour la mettre en valeur d’une autre façon, En toutes lettres publiera tous les lundis un « poème de la semaine » dont les images, au-delà de la date de parution du recueil, évoquent ce que nous ressentions hier, ce que nous pensons savoir aujourd’hui et ce que nous pressentons pour demain.


attention vous êtes filmé la preuve

que ça existe la bienveillance

la bonne conduite les hautes études

de bons amis en politique

la volonté fait des miracles

vous dites : « j’ai travaillé pour »

un walk-in un bon sens de l’humour une réputation

des escortes la magistrature une conscience sociale

un chalet à distance raisonnable de Montréal

le système de santé le corps policier

un devenir combatif issu de votre « passé de militant »

vous êtes de ces gens crédibles

à la fine pointe des applaudissements

de ces belles gueules de l’extrême-centre

qui font baptiser leurs fils

au Théâtre du Nouveau Monde

vous ne connaissez pas votre siècle :

passez de bonnes vacances


Daria Colonna, photo: Geneviève Grenier

Le poème de Daria Colonna, que n’aurait pas renié la grande disparue Hélène Monette, vise la jugulaire d’une bourgeoisie complaisante à l’indifférence facile. Une poésie qui écorche avec lucidité et intelligence, précision et pertinence.

Écrit en 2017, le vers « le système de santé le corps policier » nous ramène à la présente pandémie et la finale fait penser au voyage récent du sénateur républicain Ted Cruz au Mexique, alors que son état, le Texas, traversait une crise climatique inédite.

La poète a publié ce deuxième recueil chez Poètes de brousse. Elle avait auparavant fait paraître Nous verrons brûler nos demeures aux Éditions de la Tournure – une coopérative de solidarité sans but lucratif composée de 200 membres – dont elle est cofondatrice.

Daria Colonna a complété une maîtrise en recherche et création à l’UQAM. Son recueil Ne faites pas honte à votre siècle, a été finaliste pour le Prix des libraires du Québec et pour le Prix du Gouverneur général en 2018.  


« L’aimé m’embrasse.

La passion est trop forte et me décompose tout entière, l’arrachant en pelures lui aussi, lui aussi minuscule noirceur

je le vole à son corps déployé.

On fera des enfants, des demeurés d’espoir.« 

(extrait de Nous verrons brûler nos demeures, Éditions La Tournure, réédition augmentée en 2019 d’un texte de 2015), 282 pages.