DANSE: Giguer vers l’infini et plus loin encore

Jonathan C. Rousseau et Thierry Clouette, photo: Valérie Sangin

Avec la Soirée de gigue contemporaine virtuelle, la gigue d’art se rend chez le grand public du 18 mars au 25 avril. Rien à voir avec la Soirée canadienne télévisuelle d’autrefois, cependant. Encyclopédie vivante de la gigue, Lük Fleury nous parle des quatre courtes pièces à l’affiche qui nous mèneront des battements d’un cœur jusqu’aux fins fonds de l’espace.

La gigue d’art ou contemporaine c’est beaucoup l’affaire de BIGICO au Québec depuis 15 ans. Le regroupement comprend plusieurs visions chorégraphiques qu’il offre en tant que diffuseur spécialisé. En octobre dernier, l’organisme a filmé quatre courtes pièces qui sont accessibles virtuellement dans le cadre du Conseil des Arts de Montréal en tournée.

La Soirée de gigue contemporaine virtuelle explore la richesse des mouvements de la gigue et des matériaux qu’elle utilise. La décomposition du geste et des gestuelles de la gigue traditionnelle n’est d’ailleurs pas sans rappeler le travail de l’Espagnol Israel Galvan en flamenco contemporain.

Chorégraphe, gigueur et dramaturge, Lük Fleury se consacre depuis plus de 20 ans au développement du mouvement de la gigue contemporaine après une formation en gigue traditionnelle. Il a créé pour la Soirée de gigue contemporain virtuelle, Espace, une pièce de science-fiction avec Olivier Arseneault et Antoine Turmine.

Lük Fleury, photo: Valérie Sangin

 » Dans mon travail, j’utilise la gigue comme ponctuation au mouvement, note-t-il. Elle apparaît et disparaît. La gestualité de la main et de la jambe y sont aussi importantes l’une que l’autre. J’ai développé une « dentelle » des mains qui fait penser aux danses asiatiques. La gigue c’est très vertical, mais j’essaie d’utiliser l’horizontalité des mouvements et le déséquilibre. Si on se rapproche du sol, par exemple, peut-on garder une expressivité de la gigue ? La science-fiction est rarement présente en gigue. Cette pièce, c’est comme si on visitait un vaisseau spatial. Les interprètes guident la visite, accompagnés d’une bande sonore de Pierre-Luc Senécal. »

Une autre création,  Une gigue sur le coeur, chorégraphie et interprétation de Sandrine Martel-Laferrière, se base le rythme cardiaque.

« Sandrine s’intéresse à l’épuisement physique et comment la gigue peut l’exprimer. La bande sonore est basée sur les battements de cœur de la danseuse. »

La pièce S’accorder, de et avec Jonathan C. Rousseau, fait place à l’improvisation entre un danseur et un musicien, Thierry Clouette, qui joue du bouzouki.

« Ça se rapproche de la gigue traditionnelle, explique Lük Fleury, mais il y a une démarche contemporaine dans la recherche d’un moyen de communication entre le musicien et le gigueur. Jonathan a inventé une batterie de gestes en s’inspirant du soundpainting de l’Américain Walter Thompson. »

Et dans L & L de Vincent-Nicolas Provencher et Mélissandre Tremblay-Bourassa, le spectateur assistera à une journée dans la vie d’un couple.

« Il y a un caractère plus théâtral et narratif. L’expressivité de la gigue touche ici la relation du couple. Le vocabulaire est tiré autant du ballet que de la danse contemporaine. Mélissandre possède une formation en danse classique et elle a travaillé aussi au Cirque du Soleil à Macao. »

La gigue contemporaine ne connaît pas de limites, selon lui. L’image traditionnelle du gigueur ou de la gigueuse, le haut du corps bien droit et qui ne semble exister que pour ses pieds, explose ici en mille morceaux.

« Le but de la gigue d’art c’est de défricher toujours de nouveaux de territoires chorégraphiques. Il y a aussi un geste politique là-dedans, c’est-à-dire un moyen de reconnecter le public avec une partie de son patrimoine dansé pour dépasser les idées reçues et les images péjoratives qu’il peut y avoir aussi. On entend des spectateurs dire: « je n’avais jamais pensé que je pouvais pleurer en voyant de la gigue ». Ce n’est pas un objet de musée, mais une danse qu’on réactualise constamment. C’est un objet d’expression sur la place qu’on occupe dans le monde actuel. »


Soirée de gigue contemporaine virtuelle, du 18 mars au 15 avril. Événement gratuit en webdiffusion sur latrame-resonances.combigico.ca et facebook.com/bigicogiguecontemporaine