POÈME DE LA SEMAINE

En toutes lettres souligne cette semaine le travail du poète Paul Bélanger. Celui-ci a passé 30 ans à diriger le Noroît et n’a jamais cessé d’écrire depuis 1988. Parmi, ses 14 recueils, trois ont été finalistes au Prix du gouverneur-général et il a remporté le prix Alain-Grandbois pour Répit en 2009.

J’avance désemparé dans cette nuit sans fin

un vertige noué dans la gorge

il n’est de temps plus sombre

qu’à l’écueil de mes pas

sans cesse harcelé par ta voix

si loin de ses terres

pourquoi donc retrouverais-tu

celle qui s’est éclipsée

ce que nul n’a réalisé

j’avance ainsi à rebours vers l’horizon

en métamorphose

si bien que je recule dans la montée

dans un paysage de plus en plus abstrait

Le poète Paul Bélanger, qui vient de quitter la direction des Éditions du Noroît, en restera proche et retrouvera, sans doute aussi, le temps de l’écriture. Publié en 2019, ce très beau recueil à la mémoire de Suzanne Biron cite d’entrée de jeu Yves Bonnefoy (1923-2016) : Constance de l’éclair.

C’est bien au grand disparu français que nous pensons aussi en lisant Déblais, cette plongée dans la mort, l’absence, la douleur. Le livre qu’Yves Bonnefoy considérait être son premier véritable recueil Du mouvement et de l’immobilité de Douve (1953) trouve écho dans les vers solennels et élégants de Paul Bélanger. Toute avancée peut être un recul devant l’absurdité de la vie. Mais l’abstraction reste possible, la poésie aussi.

Le poète québécois ne chemine pas seul sur la route de la reconstruction après avoir contemplé les décombres. Il marche avec Ophélie, Orphée, Eurydice et Hamlet. Doit-on rappeler ici qu’Yves Bonnefoy était, justement, traducteur du barde anglais ?

Personne n’écrit seul. En outre, le poète donne la parole à un « je » à un « tu » et à un « il » tout au long du livre comme dans cet extrait de la partie intitulée Chemins souterrains. La marche d’Orphée. Ces ‘ »personnages » font partie d’un « théâtre » de la parole nécessaire à la remontée et à la guérison du noyé.