THÉÂTRE : Les copains d’abord

Louise Cardinal, Luc Bourgeois, Mélanie St-Laurent et Sébastien Gauthier dans Nous nous sommes tant aimés, photos: François Larivière

L’amitié a tenu ensemble le merveilleux groupe responsable du Petit Théâtre du Nord. Le voilà bien installé dans sa nouvelle salle – une ancienne église – de Boisbriand, interprétant une création de Simon Boulerice, Nous nous sommes tant aimés, mise en scène par Charles Dauphinais. Les copains d’abord, chantait Brassens, mais ce n’est pas parce qu’on rit que c’est toujours drôle, comme le suggère l’auteur de ce texte doux-amer.

Trente ans après la fin du secondaire, qu’est-ce qui amène les anciens élèves à se revoir. Ils et elles ont changé. Leur vie n’a plus rien à voir avec les adolescents d’antan. Est-ce la curiosité ? Désintéressée ou un peu maladive ? Serait-ce pour s’évaluer, se juger les uns les autres à la lumière de leurs réussites et de leurs échecs ? Peut-être un mélange de tout ça. Ce qui se cache derrière les liens entre ami·e·s d’hier à aujourd’hui, c’est ce qui a intéressé Simon Boulerice ici.

Simon Boulerice, photo: Julien Faugère

« Je me suis amusé à parler du changement, raconte le dramaturge-poète-romancier. Est-ce qu’on change vraiment ? Trente ans plus tard, est-ce que notre essence adolescente s’est modifiée ? La méchanceté qu’on pouvait avoir en nous, même sans le savoir, est-ce qu’elle perdure ? Steve (Sébastien Gauthier) incarne le changement. Il a tellement l’air d’un bon gars, généreux, ouvert. Mais il y a 30 ans, il ne l’était pas tant que ça. À l’adolescence, une certaine cruauté peut exister entre les jeunes, entre les clans qui se forment. L’homophobie existe toujours. Il en est question dans la pièce qui traite d’événements qui se sont passés il y a 30 ans. »

« Pour moi, ajoute-t-il, la pièce parle autant de l’amitié que de la toxicité qui peut y avoir dans un groupe, dans un clan. On ne sait trop pourquoi, mais on décide parfois qu’une certaine personne deviendra le souffre-douleur. On se rallie autour du fait de « ne pas aimer » quelqu’un en particulier. Ça me fascine les troupeaux. L’adolescent se définit beaucoup par le clan, par exemple, le type de musique qu’on écoute à cet âge-là. Moi j’écoutais Lara Fabian alors que la loi à l’époque c’était Green Day. »

Le dramaturge revenait de son conventum des 20 ans après le secondaire quand le PTDN l’a contacté pour une création en 2019. Ses propres expériences mêlées à celles racontées par les membres de la troupe l’ont nourri pour écrire Nous nous sommes tant aimés (d’après le titre d’un film d’Ettore Scola de 1974) . « J’ai écrit les personnages en pensant aux acteurs », dit-il.

Amis – amies ?

Steve réunit ses trois meilleurs amis, Lancelot (Luc Bourgeois), Méo (Mélanie St-Laurent) et Lucie (Louise Cardinal) 30 ans après la fin du secondaire. La soirée sera arrosée et noyée dans les souvenirs des très drôles aux plus douteux. Une narratrice (Maryse – Marie-Hélène Thibault) vient mêler les cartes en raison de sentiments amoureux qu’elle a cachés trop longtemps.

Il s’agit de quatre personnages bien définis dans toute leur complexité émotionnelle et par leur expérience de vie. Simon Boulerice dit se reconnaître davantage dans ce personnage de la narratrice qui est devenue critique de cinéma.

« Comme pour elle, le cinéma, m’a fait le plus grand bien à l’adolescence. Les films étaient mes amis virtuels. J’y ai compris beaucoup la nature humaine. Maryse a un côté encyclopédique, comme ça m’arrive parfois quand je partage trop d’informations dans mes chroniques ou quand je parle de cinéma. »

En dehors du quatuor des quatre amis à la vie à la mort, ce personnage vient d’ailleurs mêler les cartes de ce jeu, en apparence, parfaitement lisse.

« Elle a envié leur amitié à l’adolescence et les déteste tout autant. Après l’entracte, on va revoir ce qui s’est passé après le bal étudiant. C’est un clin d’œil à une situation horrible qu’a vécue une de mes meilleures amies lors de son après-bal. C’est l’une des première fois où l’on boit de l’alcool et ce n’est pas toujours si agréable ce qui se passe entre des « amis ». »

L’hyperactif organisé

Fondé en 1998 par Luc Bourgeois, Louise Cardinal, Sébastien Gauthier et Mélanie St‐Laurent, le PTDN est l’un des seuls à présenter des créations théâtrales l’été, écrites par des dramaturges reconnus. La compagnie laisse le champ libre aux auteurs approchés chaque année.

« J’ai voulu écrire une comédie parfois triste, qui glisse vers le drame. La seule contrainte était d’avoir quatre ou cinq personnages en pensant à eux. L’idée d’un conventum les intéressait et ils m’ont offert des anecdotes qui ont nourri les personnages. »

Toujours très en demande à la télévision et à la radio, Simon Boulerice trouve tout de même le temps d’écrire beaucoup.

« Je n’ai pas l’air d’un gars organisé, mais je le suis beaucoup en plus d’être travaillant. Je ne compte pas mes heures, mais ça me rend fondamentalement heureux. La création ce n’est pas quelque chose de douloureux pour moi. Ça crée de la joie. Je n’écris pas dans la douleur, même quand j’ouvre des plaies ou des thèmes plus difficiles comme l’homophobie que j’ai vécue au secondaire. J’ai fait la paix avec ça. »

Après le secondaire, le jeune Simon Boulerice de Saint-Rémi sur la rive sud de Montréal a suivi sa formation en théâtre au cégep de Sainte-Thérèse, là où deux de ses profs étaient… Luc Bourgeois et Sébastien Gauthier!

« J’ai écrit des rôles pour deux de mes professeurs de théâtre. C’est assez jouissif, j’avoue. Je suis devenu un collègue de ceux qui m’ont enseigné il y a environ une quinzaine d’années. Ça me rend très heureux. »

D’abord, les copains.

 Sébastien Gauthier, Luc Bourgeois et Mélanie St-Laurent devant la nouvelle salle du Petit Théâtre du Nord.