THÉÂTRE : Gouttes poétiques

Le Théâtre à corps perdus offre, beau temps mauvais temps à la Place des arts du 7 au 11 octobre, des gouttes poétiques qui ne tombent jamais dans l’oreille des sourd.e.s. Ces rencontres, Rx : contes-gouttes, pour un.e spectateur.trice à la fois, font du bien à l’âme en temps de pandémie.

La conceptrice et metteuse en scène Geneviève L. Blais fait du théâtre, notamment, pour tisser de nouveaux liens entre un spectacle et son public. Que ce soit dans une maison privée, un entrepôt ou en plein-air, la créatrice place les œuvres dans un contexte où les interprètes peuvent parfois chuchoter leur texte à l’oreille. Cette intimité théâtrale permet de plonger le public dans un environnement où le conscient et l’inconscient sont mis à contribution.

Rx : conte-gouutes ne compte pas les gouttes afin de créer un environnement relaxant où l’un des quatre interprètes – Pascal Contamine, Vincent Côté, Maude Demers-Rivard, Camille Paré-Poirier – pose quelques questions à son ou sa spectateur.trice pour mieux le connaître et lui « administrer » des fables contemporaines qui se rapprochent le plus possible de ses expériences de vie.

« On propose des « consultations poétiques » un peu comme à Londres où une pharmacie poétique offre des fioles avec des poèmes sur mesure. On a voulu recréer un cabinet de consultation médical où le ludisme, l’intime et la poésie se côtoient. C’est vraiment une rencontre sur mesure avec le spectateur ou la spectatrice en accord avec leurs réponses données aux questions des interprètes tout au long des 25 minutes de la représentation. »

Geneviève L. Blais a pu compter sur Martin Bellemare, prix du Gouverneur Général en théâtre 2020, pour écrire les textes. La metteuse en scène a rencontré le dramaturge en Afrique lors d’activités théâtrales respectives. Le duo a d’abord présenté une forme courte téléphonique du « conte-gouttes » avant de lancer l’idée de le réaliser en personne.

« La plume de Martin est toujours cristalline. Il travaille beaucoup la musicalité de ses textes avec un regard particulier sur le monde. Il centre son écriture sur le questionnement et l’introspection. C’est différent de ce qu’il écrit d’habitude. On touche à des parts d’ombre, c’est chargé de réflexions, mais c’est écrit dans la douceur et la luminosité. Après des spectacles plus torturés, j’avais envie d’un spectacle fait comme un câlin à distance. »

Malgré sa durée limitée, le spectacle Rx : conte-gouutes exige des interprètes une oreille fine et une capacité d’entrer dans un contact empathique avec leur patient.e, pardon spectateur ou spectatrice. Lal représentation peut prendre une quarantaine de configurations différentes selon les réponses posées par les acteurs et actrices et les réponses données.

 » C’est un exercice quasi-olympique en interprétation. Ils et elles son appris un large bassin de contes qu’ils et elles racontent en fonction de la personne et de ce qu’elle dégage. On essaie d’être en micro-écoute. Ça n’a rien à voir avec l’art-thérapie, mais on cherche à toucher les gens en évoquant des sensations. J’ai choisi des comédiens et comédiennes qui ont des capacités humaines particulières, une curiosité et un plaisir à apprivoiser un partenaire de jeu qui fait partie du public. Selon moi, ça ressemble à l’écoute que deux interprètes doivent avoir en scène dans un spectacle conventionnel. »

Étant donné la crise pandémique, ces consultations poétique viennent agir comme un baume sur les frustrations du moment, les inquiétudes, l’isolement vécus par nombre d’entre nous. Si l’utilité de l’art a été questionné au cours des deux dernières années, la réponse de Rx : conte-gouttes est sans équivoque.

« C’est très personnel et unique à chaque personne qui participe. Ça donne des rencontres super fortes d’un point de vue artistique et humain. Beaucoup de gens sortent de leur rencontre bouleversés. C’est précieux. Il y a clairement une raison d’être à ce qu’on fait en théâtre. « 

Le spectacle a d’ailleurs été présenté au CHUM et à Sainte-Justine où les réactions des malades ont beaucoup impressionné les membres de la troupe qui créent, dès le départ faut-il dire, un environnement plutôt bon enfant pour assurer le bien-être du « patient » et pouvoir atteindre l’imaginaire.

« Un enfant a demandé à réentendre un conte parce que le texte l’avait ému et qu’il voulait comprendre le tour de magie inclus dans l’histoire. On a eu une dame qui venait pour un traitement de chimiothérapie et qui est passée faire l’expérience auparavant. Un chirurgien du bloc opératoire est venu aussi, tendu comme une balle au début, puis est reparti les yeux pétillants après sa rencontre. C’est assez fascinant. »


Rx : conte-gouttes est présenté sur l’esplanade de la Place des arts, ou à l’intérieur si la température l’empêche du 7 au 11 octobre. Comme chez le médecin, il faut prendre rendez-vous, mais il n’y a pas de liste d’attente…

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