ARTS VISUELS : Téléréalité et fleurs liquides

Vue d’ensemble, Fly-on-the-Wall de Laurence Hervieux-Gosselin, photo: Robert Dubé

Les Rencontres de la photographie en Gaspésie se poursuivent jusqu’au 30 septembre. Pendant que l’événement présentera une série de rencontres en tournée, du 17 au 21 août, nous poursuivons notre petit tour d’horizon, bien partiel, composé de quelques coups de coeur : Laurence Hervieux-Gosselin et Mélissa Longpré.

Laurence Hervieux-Gosselin, Fly-on-the-Wall, Paspébiac

Jamie, Laurence Hervieux-Gosselin

Cette artiste a été la récipiendaire du prix Lynne-Cohen 2021, décerné par la Fondation du même nom, de concert avec le Musée national des Beaux-Arts du Québec. La présente série se déploie dans les interstices et les pauses impromptues d’une émission de téléréalité du style Big Brother. La photographe se fait fort de capter ici ce que les caméras de télévision, pourtant disséminés çà et là dans les espaces d’habitation des participants, ne retiennent pas. Ou plutôt choisissent délibérément d’éviter, faute d’y trouver du contenu, on imagine.

L’entreprise de l’artiste est évidemment une sorte de pied-de-nez, montrant que la référence à Big Brother, censé tout voir, peut avoir de mensonger. Cherchant le non-lieu des sites pourtant voulus significatifs, le non-climax des moments de détente ou de préparation au tournage, révélant l’envers du décor qui pèse de tout son poids sur ce qui est finalement sélectionné pour une exhibition intimiste totalement forgée, pour un espace privé construit pour la délectation publique d’aventures et d’acoquinements forcés, l’artiste nous entraîne dans les arcanes de la réalité telle qu’elle est voulue par la télévision, quand celle-ci se mêle de faire dans le plus vrai que vrai.

Or, ce faisant, c’est elle qui nous maintient à meilleure distance de cette réalité.. Une série dont on peut apprécier toute l’intelligence, dans son propos comme dans sa forme… Que les circonstances nous portent à apprécier ce travail en parallèle avec celui de Lynne Cohen est un hasard tout ce qu’il y a de plus charmant et de plus révélateur!

Mélissa Longpré, Fleurs liquides, spécimens et autres refuges, Carleton-sur-Mer

Vue d’ensemble, Fleurs liquides, spécimens et autres refuges de Mélissa Longpré, photo: Robert Dubé

Les deux cimaises positionnés en croix créent, sur le Parc des Horizons, près de la plage, quatre sections en lesquelles se déploient les images de diverses séries. Toutes ont ceci de particulier de former la trace d’une exploration, à la recherche de ce qu’un lieu peut receler de trésors et avoir comme caractéristiques bien à lui. Les Fleurs liquides sont le résultat de cueillettes de fruits, fleurs et feuilles propres à offrir des essences végétales liquéfiées.

Un livre, réalisé en autoédition, explore la quête plus en détails. Devenues souvenirs liquides de l’entité végétale, les substances ont été déposées au compte-goutte sur un papier blanc et sont ainsi devenues une sorte de suaire, présences réduites à leur essence. D’autres images montrent un semblable fond sur lequel se détache un spécimen, trouvé dans le même environnement. Morceau de bois de mer troué, restes d’oiseau marin ou de raton laveur, vertèbre de chevreuil, patte de goéland à bec cerclé se détachent sur une tache d’encre végétale.

Les lieux investigués vont l’objet d’une double cueillette. On y récolte des spécimens, des objets trouvés, flore et faune ramassées. Avec les éléments de la première, on concocte des substances qui servent en elles-mêmes, mais aussi d’émulsions couchées, en arrière-fond de ce qui est photographié. Parfois, en plus, de ces endroits qui sont des refuges pour l’artiste, on glane quelques images, conjonction des objets et des éléments naturels qiui forment un tout intéressant, des rapprochements nés du hasard.

Vue d’ensemble, Fleurs liquides, spécimens et autres refuges de Mélissa Longpré, photo: Robert Dubé

Espoir radical

Rencontres de la photographie en Gaspésie

Du 15 juillet au 30 septembre 2022