THÉÂTRE : Formidable chevauchée

Les waitress sont tristes, photos: Vivien Gaumand

Dernière semaine de représentations pour ce formidable spectacle de la compagnie Joe Jack & John, Les waitress sont tristes. Une pièce qui aborde les côtés sombres de la vie des serveuses et de la création artistique tout en nous faisant sourire avec quelques pas de danse au son de la musique country.

Ambitieux projet s’il en est pour la compagnie de Catherine Bourgeois, Les waitress sont tristes met en vedette Michael Nimbley en tant que cometteur en scène, idéateur, dramaturge et interprète de la pièce. La cie Joe Jack & John avait déjà démontré l’étendue des qualités des artistes neurotatypiques, à l’idéation et mise en scène notamment, dans Le magasin ferme de Edon Descollines. Cette fois, elle ajoute des couches narratives encore plus complexes à cette formidable aventure dans le monde de la création artistique.

Une pièce dans la pièce se joue devant nous. Derrière le sourire forcé et la danse en ligne des dites waitress se cachent leur solitude et leur colère dans cette histoire à double fond. Le cowboy solitaire, Morrison, attiré par ces femmes faussement affables, en fait, est un metteur en scène frustré et autoritaire qui fait répéter et répéter les scènes des actrices-waitress. Insatisfait de leur performance et devant une possible mutinerie, il leur criera : « c’est mon show ».

La solitude des un.e.s et des autres explose. Que reste-t-il quand la soirée au bar ou la préparation d’un spectacle s’achèvent ? Un regard complice et une bière partagée suffisent-ils à briser le mur de l’isolement ? Le mythe du far-west épique et de la jubilatoire danse en ligne changent-ils la donne ?

Cette habile mise en abyme renvoie à la difficulté même de travailler avec des artistes neuroatypiques. Le résultat, toutefois, est on ne peut plus clair et d’une grande richesse : tout, absolument tout est possible. Depuis ses débuts, Joe Jack & John suscite l’émotion des spectateurs en nous présentant des artistes multidisciplinaires extrordinaires. En fait foi ici Michael Nimbley qui écrit, met en scène, interprète deux personnages, danse et plaque quelques accords de guitare.

Il est accompagné sur scène par les tout aussi multidisciplinaires Anna Atkinson, violon et direction musicale, Maryline Chery, Guillermina Kerwin, Natacha Thompson, traduction et interprétation en langue des signes, et Anne Tremblay.

L’écrin dans lequel la pièce se déroule est à la hauteur de ce magnifique accomplissement avec, entre autres, Catherine Bourgeois en tant que cometteuse en scène et alliée créative, Pénélope Bourque, collaboration au texte, Amy Keith à la scénographie et aux costumes, Andréa Marsolais-Roy à la conception sonore, ainsi qu’Audrey-Anne Bouchard et Flavie Lemée aux éclairages.

En cette ère polarisante, où les vérités alternatives et la superficialité triomphent, l’acceptation et la compréhension de l’autre devient un message de survie. Un modèle de tolérance qui nous dit que tout le monde a sa place, tout le temps, partout. En espérant que ce sentiment puisse déborder, un jour, de la scène et envahir les esprits les plus impatients et obtus.


Les waitress sont tristes est présenté à Espace libre jusqu’au 1er octobre.