
En tant que moyens de communication, les réseaux sociaux peuvent soutenir certains mouvements pôlitiques, voire des révolutions. Si l’on reste bien confortablement chez soi, cependant, ils font en sorte que chacun.e se retrouve bien souvent à parler an vase clos. Le dramaturge et metteur en scène Philippe Ducros remet en question l’influence des Chambres d’écho à Espace Libre dès le 14 février.
Dans les années 2000, Philippe Ducros s’est rendu deux fois en Syrie où il a commencé à écrire sa pièce L’affiche sur l’occupation de la Palestine. Il s’y est fait des amis dont la comédienne Samia (nom de scène) qui a joué dans le spectacle. Pendant la guerre en Syrie, celle-ci n’a pas pu quitter le pays. Philippe Ducros et elle ont continué à s’écrire et le metteur en scène a tenté de lui rendre visite, mais n’a pu aller plus loin que le Liban.
Cette prémisse de départ forme la base de cette pièce documentaire qui sort des cadres du genre pour explorer la puissance des réseaux sociaux pouvant, là-bas, mener à la révolution et, ici, à nous enfermer dans la prison des algorithmes.
» Comment faire pour ne pas abandonner les gens qui sont à l’autre bout de la planète dans un monde polarisé et de post-vérité ?, se demande Philippe Ducros. Briser le monopole des dictatures en se servant des réseaux sociaux est une chose, mais la chambre d’écho semble démontrer que tout le monde pense comme nous, alors que, de leur côté, les radicaux en profitent pour normaliser leur discours. »
Dans la pièce, cela donne lieu à une sorte de dialogue de sourds où l’incompréhension finit par gagner les deux amis aux prises avec des problèmes fort différents, selon leur point de vue.
Extrait de la pièce: « Les Occidentaux nous disent comment vivre, mais la guerre, ils ne connaissent pas son odeur, cette puanteur dans les rues quand personne ne ramasse les ordures ni les cadavres sous les décombres. Les vêtements quand on ne se lave plus. Et l’odeur de la faim. »
Très dense, le texte est écrit un peu à la façon très syncopée dont se présentent les messages sur les réseaux sociaux. La mise en scène y ajoute d’autres couches de lecture. Les personnages des interprètes Étienne Pilon et Mounia Zahzam sont ainsi isolés l’un de l’autre.
» On utilise la vidéo sur les murs des pièces pour évoquer les écrans de divers supports sur lesquels on projette des images et vidéos d’archives en plus de celles que j’ai prises là-bas. Toute la technologie de la communication est transposée sur scène pour encourager les spectateurs et les spectatrices à comprendre le concept de chambre d’écho. Il faut voir que la révolution 2.0 a aussi mené à la montée des extrêmes-droite et à l’élection de Donald Trump. »

Sociopolitique
Dans certains pays, les dictatures essaient de contrôler l’accès à internet pour, justement, bloquer les manifestations et l’opposition.
» De notre côté en Occident, on voit que ça mène à l’ingérence étrangère dans la politique interne. On assiste à une pluie de fausses nouvelles mises sur le même pied que les vraies. Les gens se mettent à douter de l’information transmise par des médias traditionnels reconnus. J’utilise l’ampleur du chaos créé dans la « guerre contre le terrorisme » pour parler de ce qui se passe au Moyen-Orient. Il faut en arriver à sortir de nos ornières. «
Philippe Ducros note que l’arrivée des médias de masse a toujours bouleversé les enjeux sociopolitiques que l’on remonte aux presses de Gutenberg, qui ont favorisé l’impression de la bible et l’avènement des guerres religieuses, ou encore si l’on parle de la radio qui, entre les deux guerres, a permis aux régimes totalitaires de progresser.
» En ce moment, il ne faut pas sous-estimer l’impact des réseaux sociaux. Ce qui se passe en Ukraine en est un exemple. Comment expliquer le fait que la population russe accepte ce qui survient chez leurs voisins sinon parce qu’elle n’a pas accès à toute l’information? C’est un nouveau type de censure. «
Face à la complexité du monde et à la vitesse à laquelle se produisent les événements, recourir à la facilité des affects et aux idées toutes faites semble séduire une certain partie de la population.
» Le temps et la colère jouent contre nous, conclut Philippe Ducros. Les gens sont de plus en plus fâchés et les puissants, pendant ce temps, de plus en plus puissants. Si le système actuel n’est pas capable de répondre à un minimum de dignité, les gens vont voir ailleurs, peu importe les sources d’information. On l’a vu après la première Guerre mondiale. Les Allemands n’ont pas pu retrouver leur dignité et les nazis ont profité de cette colère pour justifier leurs théories. »
Démocratie : attention fragile!
Chambres d’écho est présentée du 14 février au 4 mars à Espace libre. Il y aura une table ronde après la représentation du 21 février pour échanger sur le portrait géopolitique du Moyen-Orient ave Marie-Joëlle Zahar, professeure de science politique à l’Université de Montréal, Marion Zahar, doctorante en science politique à l’Université de Montréal et Philippe Ducros Le texte de la pièce est disponible en librairie aux Éditions L’instant même.