La carrière de Renée Dupuis est ponctuée de nombreuses réalisations et de belles distinctions. Forte de la Médaille du Barreau du Québec, nommée sénatrice indépendante au Sénat du Canada, elle a présidé la Commission des revendications des Indiens de 2003 à 2009 et fut ensuite nommée témoin honoraire par la Commission de vérité et réconciliation du Canada en avril 2013. Elle est donc la personne toute désignée pour faire un retour approfondi sur la situation des Autochtones au Canada.

Renée Dupuis l’était déjà en 1991 lorsqu’elle a publié La Question indienne au Canada. Elle l’est encore plus aujourd’hui alors qu’elle reprend le projet pour en faire La Question des Premières Nations au Canada. La première édition est certes motivée par le rapatriement de la constitution au Canada en 1982 et par la crise d’Oka-Kanesatake de 1990 ; deux événements importants de l’actualité nationale qui mettent à l’ordre du jour les profondes insatisfactions (pour employer un terme diplomatique !) des Autochtones quant à leur situation et à leur statut au pays.

Entre cet état des choses, décrit en 1991 et celui d’aujourd’hui, il y a eu l’Accord du Lac Meech, de regrettée mémoire, l’essai de celui de Charlottetown, de mémoire cette fois traumatisée, trois commissions entreprises par le fédéral sur la question, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les dramatiques exhumations de fosses près des pensionnats autochtones, les femmes et les filles autochtones disparues sans laisser de traces et sans susciter trop de réactions chez les autorités et j’en passe. Il y avait donc amplement matière à compléter l’ouvrage de 1991.

Évidemment, des traces demeurent du premier ouvrage. Ne serait-ce que dans des dénominations qui n’ont plus cours aujourd’hui, mais dont l’usage dans ce livre est justifié par le désir de donner une idée du climat des époques survolées. On retrouve donc une première partie qui doit probablement reproduire les chapitres de l’édition de 1991. Les jalons historiques, posés en entrée, qui vont de l’arrivée des Français au rapatriement de 1982, n’ont guère pu changer.

En revanche, la population globale des Autochtones, leur profil démographique, leur situation actuelle, toutes ces sections qui en donnent le portrait moderne, ont certes dû être actualisées quelque peu. Le fait, assez malheureux, que le cadre général reste le même et que leur sujétion soit elle aussi inchangée, contribue à ce qu’il n’y ait aucun changement de ton entre ce qui pourrait appartenir à l’édition passée et relever des ajustements récents de la nouvelle mouture.

Incontournable

Évidemment, cet avantage notable, qui rend ce livre incontournable, est aussi révélateur d’une triste réalité. Rien n’a véritablement changé dans la condition des Autochtones au Canada. Elle reste celle d’une population qui grandit dans l’exclusion, maintenue dans les marges du Canada actuel !

Il reste que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, même si elle n’a pas été d’abord acceptée par le Canada, ouvre une brèche importante. La Commission de vérité et réconciliation a constitué un autre jalon. Les événements récents ont permis de constater que la théorie de la Découverte et le principe de la terra nullius, qui autorisaient la prise de possession des arrivants au Nouveau Monde, ont été répudiés. L’Église a même récemment exprimé, de manière un rien partielle cependant, des regrets quant à sa participation à ces principes, fondements de la colonisation des Amériques.

Bref, tout semble en place pour enfin ouvrir un dialogue éclairé sur des questions pressantes, qui touchent à la sauvegarde de cultures appartenant au patrimoine collectif de l’humanité.

Voilà un livre à lire pour qui s’intéresse à ces questions. Il trouvera un portrait d’ensemble éloquent, envisagé, on le comprendra, depuis l’angle des ententes prises et pas toujours satisfaisantes entre colonisateurs et Autochtones. C’est évidemment là que peut s’exercer la grande expertise de Renée Dupuis.

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Renée Dupuis

La Question des Premières Nations au Canada

Éditions du Boréal, Collection Boréal Express, 2023

128 pages