ARTS VISUELS : Le bruit des choses vivantes

Vues de l’exposition Diane Landry, Les prévisions transparentes : Le phare, Galerie Vox, photo : Michel Brunelle

Diane Landry est une artiste inclassable. Depuis 30 ans, elle confectionne des installations animées capables des performances les plus diverses. Influencée par le ready made de Marcel Duchamp, portée sur le recyclage de toutes sortes de matières, elle fait penser parfois aux patenteux du Québec, un titre qui lui plairait sans doute. À la Galerie Vox, avec la complicité de Marie-Josée Jean et de Claudine Roger, elle offre un tour d’horizon parsemé d’œuvres anciennes et de l’inédite Mécanique céleste.

Le mouvement et ce qu’il peut créer comme formes et images diverses est certes ce qui semble intéresser le plus Diane Landry. Ses pièces sont rarement statiques; tout s’active en elles et crée des remous qui révèlent des pans inconnus des matières et des choses.

Le premier exemple nous accueille à l’entrée. Il s’agit de la pièce Chute, datant de 2017-2018. On ne comprend pas de quoi il en retourne avant que l’installation s’anime. Nous sommes devant une sorte de meuble dont l’avant est composé de 60 cases. En chacune, apparaît une sorte de rolodex composé d’images dont on peine à distinguer ce qui s’y montre. C’est lorsque le tout se met en marche que la lumière se fait en nous. Les rolodex se mettent à tourner et les images, tournant au même rythme, reproduisent une chute. Le plus drôle est que le son que cette motorisation épouse effectivement celui d’une chute.

Il y a ensuite Les Chevaliers de la résignation infinie, une pièce de 2009, qui nous reçoit dans la salle suivante. Sur des trépieds étroits, 12 roues de vélo ont été montées et en leur pourtour, les auréolant, se retrouvent de nombreuses bouteilles de plastique, comme celles contenant de l’eau de source. Leur goulot pointe vers le haut et, en leur faîte, un fil électrique alimente une ampoule qui luit à intervalles. Dans chaque bouteille, l’artiste a inséré une certaine quantité de sable. Lorsque les roues se mettent à tourner, ce mouvement actionne la lumière et fait grincer le sable. Comme il y en a de diverses quantités dans les bouteilles, le bruit produit n’est pas tout à fait le même de l’une à l’autre.

Mais c’est le mouvement produit qui permet aux matières de fournir une performance émanant de leur nature propre, de leur texture et de leurs propriétés singulières. Toute matière ne peut être pleinement révélée que par le mouvement qui permet de découvrir des potentialités jusqu’alors ignorées.

Vues de l’exposition Diane Landry, Les prévisions transparentes : Chevalier de la résignation infinie, Galerie Vox, photo : Michel Brunelle

Performance d’objets

Ce ne sont là que deux exemples pouvant donner l’impression que le spectateur ne verra rien d’autre que ce type de performance d’objets. Certes, il y a des pièces apparemment plus simples et plus humbles dont l’animation surprend. Mais il y a aussi des œuvres vidéos montrant des performances passées de l’artiste et qui s’offrent en tant que créations comme telles. Silence radio est l’exemple d’une œuvre réalisée pendant une longue période de temps, comprimée par la suite en une séquence de huit minutes.

La Grande Ourse/Ursa major, de 2023, montre un peu plus de sophistication. Les disques rotatifs apparaissent tel des objets plus léchés. C’est un analogon de ciel qui est devant nous, avec des astres en rotation, et, en ceux-ci, se manifestent des objets trouvés, des tubes remplis de matière bruissante, des images, des tissus vaporeux. Cela bouge et s’entend, Ces harmoniques grinçantes font résonner le chant des sphères, depuis les confins de l’univers, se plaît-on à croire.

Il y d’autres pièces de différentes périodes du parcours de Diane Landry. Mais il faudrait plus de temps et il est inutile de vous gâcher la joie de les découvrir.

Chose certaine, l’artiste sait voir dans les objets matière à animation. C’est en celle-ci que les œuvres se mesurent au temps de la découverte qu’on en fait. Se déploient ainsi des potentialités dont on ne soupçonnait pas l’existence ni la richesse. Le mouvement permet à la matière et aux choses d’être plus que leur apparence ne le laisse croire, d’aller au-delà de ce que le destin leur avait assigné comme fonction.

Mais il fallait, pour cela, tomber entre les mains de Diane Landry !

Vues de l’exposition Diane Landry, Les prévisions transparentes : Mandala, Galerie Vox, photo : Michel Brunelle

Diane Landry, Les prévisions transparentes, Galerie Vox, jusqu’au 23 juin 2023

Commissaires: Marie-Josée Jean et Claudine Roger