VOIX DE POÈTE: Denise Desautels

Denise Desautels, photo: Alain Lefort

En toutes lettres poursuit ses lectures poétiques cette semaine avec Denise Desautels. Maintes fois primée en France et au Québec, elle est la grande poète du noir comme on dit de Pierre Soulages qu’il est le maître du noir en peinture. Le noir de l’obscurité comme de la pensée et de l’élégance.

Denise Desautels nous lit trois pages de vers inédits qui seront rassemblés dans un livre intitulé Disparaître à paraître au Noroît l’an prochain. Ce recueil, qui sortira également en France, comprend des œuvres de l’artiste visuelle Sylvie Cotton.

« Il y a trois ans la revue Relations m’a invitée à une résidence d’écriture. J’ai assisté à la Manif d’art de Québec et, en visitant la collection du Musée national des beaux-arts, j’ai vu l’oeuvre Disparaître de Sylvie qui m’a bouleversée. J’ai rencontré Sylvie et cela a été un coup de foudre. Quelque chose d’important s’est produit entre nous. Sylvie est sereine et apaisante et plus portée vers la lumière que moi. »

Une amitié a émergé de leurs regards différents, mais solidaires. Presque tous les chapitres du livre porteront les titres des œuvres de Sylvie Cotton en plus de quelques textes de l’artiste visuelle, note la poète.

Ce sont des voix et des voies qui s’entrecroisent dans une même structure d’ADN. Un livre communion en quelque sorte, comme quoi une plus une peut donner trois.

« C’est un dialogue dans la durée que nous avons. Elle aborde des thèmes qui sont aussi les miens comme la mort et le deuil. Mais elle m’amène à les regarder, même si c’est très vertigineux, en me sentant moins seule. On se tient la main pour toucher aux douleurs intimes et à celles du monde. C’est très stimulant. »

COTTON, SYLVIE, Disparaître, de la série « Rester/Partir », Cadre de métal, verre convexe et cendre, 1995
© Sylvie Cotton

Art visuel

Le blanc serait l’addition de toutes les couleurs, dit-on, le noir, leur absence. Obscur et élégant, pourtant, le noir. Les artistes du noir savent souvent capter, plus que d’autres, toutes les couleurs des vents changeants.

« Je relis mes textes d’avant la pandémie et il y avait quelque chose dans l’air, je crois. Il y a des choses qu’on intuitionne et qu’on écrit sans savoir que ça va devenir pertinent par la suite. C’est comme si on devenait un aimant en période de création. On attire à soi ce qui est exigé par la pensée, la langue, le corps même. »

La crise actuelle a retardé la publication de trois magnifiques ouvrages de poésie et d’art visuel de la maison française L’Atelier des noyers, écrits par elle-même, Diane Régimbald et Louise Dupré. Trois poètes amies.

Un lancement et des lectures étaient au programme avec les autrices québécoises, mais en raison de la crise, tout cela a été remis à la fin octobre à Paris lors du Marché de la poésie à la condition que les voyages reprennent.

« Je connais Claire Delbard, l’éditrice, depuis très longtemps. Elle m’avait vue en lecture à Paris il y a quelques années. On s’est liées d’amitié. C’est souvent comme ça que les choses arrivent dans le monde de la poésie. Par amitié et par affinités. »

L’amitié est fondamentale pour Denise Desautels. Celles-là, Louise Dupré et Diane Régimbald, et quelques autres lui apportent beaucoup, lui permettent d’aller « là où l’on ne pensait pas aller ». Comme Martine Audet, par exemple.

« Dans son extrême dépouillement, elle frappe juste. Il y a quelque chose qui me bouleverse dans son travail. On a le goût de prendre la phrase dans sa main et se promener avec parce qu’on sait que ça va donner une lumière au bout. »

Autrice d’environ une cinquantaine de livres d’artistes, Denise Desautels dit avoir envie d’être de plus en plus « poreuse » quand elle travaille. Que ce soit les arts visuels, la danse, la littérature, elle se laisse traverser par les autres formes d’art, les autres d’artistes.

« Ça ouvre des portes. Je connais Louise Dupré depuis très longtemps. Mon amitié avec Diane Régimbald est plus récente, mais quand on parle du rapport à la mère entre nous, c’est très intéressant, et ce, même si ces rapports sont différents. Dans la différence, quelque chose surgit et donne à penser, d’abord, puis à écrire. »