
L’effet papillon, la théorie du chaos. On y est! Un battement d’ailes de papillon en Chine, puisqu’on ignore si le pangolin est le réel méchant de l’histoire, provoque une pandémie dans le monde. Plus prosaïquement, résumons en disant que, malgré la répétition d’une action à l’infini, le résultat restera, lui, imprévisible. C’est ce qu’explore la chorégraphe Helen Simard avec sa pièce Papillon.
Comme bien d’autres projets d’art vivant, le Papillon d’Helen Simard ne prendra pas son envol devant public. Mais le thème du chaos, au centre de son propos, ne peut mieux tomber que maintenant. La pièce sera donc diffusée en direct sur le web, et avec plusieurs caméras, le 5 novembre , puis retransmise en différé du 13 au 15 novembre.

» Pour être devant un spectacle vivant, il faut qu’il y ait un cœur qui bat. Je change tous les jours comme tout le monde. Papillon peut changer tous les jours aussi comme les êtres complexes que nous sommes. Pour nous, l’absence de public ne change pas le fait que notre travail a une valeur. L’œuvre est l’aboutissement d’un processus et pourra être documenté autrement aussi. «
N’empêche que les artistes de la scène travaillent en vue d’échanges directs avec le public et doivent désormais affronter un huis-clos pernicieux.
» Ce sont beaucoup de rêves brisés pour beaucoup de gens. On essaie de prendre ce qui est beau dans cette expérience là, sinon ça devient lourd. «
La chorégraphe a apprivoisé la méthode de travail par zoom pour développer une gestuelle à la maison.
» J’ai fait confiance à mes interprètes en suivant leurs intérêts plutôt qu’en imposant mes points de vue sur la façon de travailler. Ils ont pu suivre leurs intuitions. En studio, c’est plus facile de diriger. Ils m’ont amenée dans des directions que je n’avais pas anticipées, mais j’ai trouvé ça très beau. «
Évidemment, une telle approche nécessite des danseurs créatifs, qui ont du bagage.
» Les artistes de hip hop ont une gestuelle de base, mais ils sont habitués à improviser. Ça ressemble plus à ce qu’on voit en jazz. J’ai proposé des gestuelles filmées et, avec cette base, ils se sont permis de la déformer, de l’étirer et de se l’approprier. «
Chaos
» Quand je choisis un concept à explorer, poursuit la chorégraphe, il ne s’agit de le représenter sur scène. C’est une inspiration pour m’orienter vers un univers poétique plus que représentatif. Il y a un réel plaisir à aborder une chose, comme les mathématiques, qu’on ne comprend pas au départ. Les maths c’est pratique, mais c’est aussi tout un univers d’imagerie et de poésie très beau. «
Le chaos c’est donc l’aventure de l’inattendu.
» Le chaos est un désordre, dit-elle. Dans tout système qui nous entoure, le temps nous permet de comprendre les liens entre les événements dans nos vies. Dans un système chaotique, les mathématiques nous amènent à répéter 10 000 fois la même formule avec de toutes petites variantes. Ça donne des fractales, des systèmes complexes, mais magnifiques. «
Victoria Mackenzie, photo: Do Phan Hoi
Mecdy Jean-Pierre et Nindy Banks, photo: Do Phan HoiMecdy Jean-Pierre et Victoria Mackenzie, photo: Do Phan Hoi Mecdy Jean-Pierre, photo: Do Phan Hoi
Improvisation
Pour danser le chaos, d’expliquer Helen Simard, il faut voir si, en étirant vers la gauche une gestuelle par exemple, cela donnera la même image ou aura le même sens. L’improvisation sert à explorer ces variantes.
» Quand on est dans un système improvisé, le début, c’est la fin de quelque chose et le début d’autre chose. On recommence un cycle sans refaire la même chose encore et encore. On replonge dans le même univers pour détecter ce qui est nouveau à chaque fois. On a travaillé avec l’idée de l’ordre spontané. Dans un univers chaotique où rien ne semble avoir du sens, à un moment donné, le système va trouver son propre équilibre, un ordre qui est significatif avant de se relancer dans le désordre. «
Tout peut parfois sembler flou ou trop complexe, mais il arrive aussi un instant où tout semble devenir clair. Passer à travers le désordre pour arriver à l’équilibre et au plaisir. Helen Simard crée de la poésie corporelle.
« Dans le plaisir de la manipulation des formes, c’est comme le non-sens dans le sens des mots. Créer des images fortes qui viennent de l’inconscient, hors de la pensée concrète. Je suis suis très influencée par l’univers onirique où les règles de la vie de tous les jours n’existent pas. Pour moi, le spectacle vivant, dans ce sens, me permet d’imaginer le monde d’une autre façon. »
Ainsi, avant les répétitions, la chorégraphe a envoyé a ses interprètes des textes au sujet de la théorie du chaos pour obtenir leur avis sur le sujet afin de plonger dans leur imaginaire. C’est la « gymnastique de l’imaginaire » qui intéresse Helen Simard.
Musique

Les gymnastes musicaux – Roger White, Ted Yates et Walid El-Mounzer – qui accompagnent les danseurs.ses ont travaillé en polyrythmique dans un processus similaire de répétitions, d’essais et erreurs, de nuances et de changements.
» Ils sont partis de leur côté au printemps à partir d’un canevas de base. En juin, ils ont formalisé une impro en composition. Mais on trouvait qu’elle manquait de spontanéité. On l’a lancé par terre pour la briser en mille morceaux qu’on a gardés et qu’on a reconstruit dans un autre ordre qui permet l’improvisation sur scène. »
Dans nos circonstances pandémiques, la chorégraphe a pondu en cocon un Papillon tout terrain.
» Il fallait faire un spectacle cohérent d’un point de vue dramaturgique avec indications claires pour les interprètes tout en étant prêts à l’adapter. Ce ne pouvait pas être une œuvre trop finie parce que la réalité change tous les jours. C’est très bizarre que mon projet arrive à ce moment précis parce qu’il nous suggère d’accepter le chaos et de se lancer dans l’inconnu. «
Vivre le moment présent en laissant quelques attentes et fantasmes de côté quoi. Seul et, surtout, avec d’autres. Si le chaos de la pandémie nous a appris quelque chose c’est bien que nous avons toujours besoin d’une communauté.
infos: danse-cite.org/fr/spectacles/2020/papillon
billets: lepointdevente.com