Photos: Michel St-Jean
Du théâtre en réalité virtuelle ! La novatrice compagnie de Catherine Bourgeois, Joe Jack et John, s’est lancée dans une création numérique inclusive et immersive intitulée Violette. Cette expérience de RV dure 25 minutes et nous fait rencontrer une jeune femme dans sa chambre où elle nous parle d’une expérience qui l’a marquée profondément. À Espace libre jusqu’au 30 mai.
Dans Violette, une jeune femme souhaite se confier à propos d’une expérience d’abus/agression. S’éloignant d’une description morbide, le récit baigne plutôt dans l’esprit du conte et fait intervenir un personnage imaginaire.
De façon pratique, un·e spectateur·trice à la fois devient l’ami de la jeune femme pour accueillir ses secrets. L’expérience en version française ou anglaise se déroule dans une cabine avec une actrice en chair et en os ainsi qu’un casque de réalité virtuelle.
« L’histoire de Violette possède un aspect de réalisme magique, explique Catherine Bourgeois. Nous sommes comme dans une rêve, tout en gardant une connexion tangible avec le personnage. Je pourrais faire une comparaison avec la musique country qui parle de sujets douloureux, mais avec du rythme. Le sujet est lourd, la RV est immersive, alors ça prenait un autre personnage qui change de forme comme dans un conte. »
Pour résumer, Violette c’est la libération de la parole et, par le fait même, d’une jeune femme qui porte un secret tragique. Le spectateur ou la spectatrice joue, en d’autres mots, le rôle du témoin de cette confession libératrice. Trois actrices – Tamara Brown, Stéphanie Colle ou Anne Tremblay – jouent Violette et accueillent le spectateur. Six membres du public peuvent assister au « spectacle » pendant une même heure, retrouvant en réalité virtuelle l’actrice-personnage qui les ont accueillis sur place.
Tournage

Aux grands défis, les grands moyens donc. Metteuse en scène inventive s’il en est, Catherine Bourgeois voulait travaillait sur le thème des abus et des agressions sexuelles dès la première vague #metoo en 2015. Voir ce qu’on refuse de voir ou parler de ce dont on n’ose parler est un peu sa spécialité puisqu’elle travaille avec des actrices et des acteurs ayant un handicap depuis 2003 avec sa compagnie Joie Jack et John.
» J’avais le goût d’aborder ce sujet qu’on n’ose à peine mentionner. Au début, je voyais quelque choses d’intimiste avec cinq spectateurs venant prendre le thé avec le personnage. Je me disais que c’était insensé de le faire sur une scène. J’aimais l’idée d’un chuchotement à l’oreille, d’une confession et d’une écoute privilégiées. En assistant à une conférence sur la réalité virtuelle, j’ai pensé que ce serait idéal pour ce que je voulais faire. Je croyais que les gens du théâtre pouvaient apporter quelque chose à cette technologie immersive. «
Le saut était presque naturel pour Joe Jack et John, désormais compagnie en résidence à Espace libre, troupe multidisciplinaire qui utilise le théâtre, la performance et la danse sans ses spectacles. « Ça signifiait juste d’ajouter une nouvelle discipline », ricane la metteuse en scène.
Le projet était déjà très avancé quand la crise pandémique a frappé, le tournage ayant été effectué au printemps 2019 et le spectacle programmé à Espace libre pour mai 2020. Un an plus tard, voilà donc Violette prête à accueillir ses invités.
Technologie
Le milieu du théâtre n’est toutefois pas familier avec celui de la réalité virtuelle, préférant évidemment celle de la rencontre en direct. Ainsi, ce film en 360 degrés, développé avec la firme Expérience RV UNLTD inc., aura nécessité plusieurs réécritures du scénario original.
» C’est une technologie qui change rapidement. Toute la logistique et la programmation ont représenté beaucoup d’apprentissage, reconnaît Catherine Bourgeois. Ça touche autant au niveau artistique qu’à la logistique de production. C’était difficile aussi pour diriger l’interprétation. Mais comme on utilisait deux caméras 180, je pouvais être dans la pièce pour donner des indications. «
Catherine Bourgeois pense utiliser à nouveau la RV dans le cadre d’un autre récit portant sur la détresse humaine. « C’est encore l’idée de l’intime et de la confidence, des sujets qui peuvent difficilement être abordés sur un plateau de théâtre. «
Même si les activités de Joe Jack et John ont dû être mises sur pause pendant un moment en raison de la pandémie, Catherine Bourgeois dit avoir beaucoup écrit.
» Pendant les premiers mois, je n’étais pas très créative, mais on a fait autre chose. La machine s’est remise en marche peu à peu », conclut-elle.
La pièce Violette est présentée à Espace libre jusqu’au 30 mai.
Infos: espacelibre.qc.ca
