
Se dissoudre, titre de la nouvelle pièce de Catherine Gaudet, ne signifie pas « disparaître ». En chimie, comme en danse pourrait-on dire, la dissolution est une « mise en solution ». Le soluté est cette substance s’incorporant à la nouvelle solution, ce qui lui donne sa différence et son caractère essentiel. À l’Agora de la danse du 11 au 15 mai.
Catherine Gaudet n’a pas abandonné. Pas plus durant la crise pandémique qu’en décidant de… Se dissoudre. Avec cette nouvelle pièce, la chorégraphe fait plutôt confiance aux forces organiques et physiques extérieures à la volonté ou à l’esprit analytique. Bref, une posture tout à fait zen en danse.
» Quand je pensais à l’interprète du solo, Marie-Philippe Santerre, je me suis demandé comment faire pour qu’elle se laisse bouger et transformer en totale résonance avec les forces de son environnement et ses propres élans. Dans une certaine absence de volonté. Se dissoudre, pour moi, c’est se laisser fondre dans ce monde-là. «
Avec ce spectacle, Catherine Gaudet dit se rapprocher encore plus de la vérité de son élan créatif. La pandémie aura eu au moins cet effet positif, la crise lui ayant permis de prendre du recul. Elle a pu se ressourcer pendant plusieurs mois. D’abord prévu en novembre, la pièce prend l’affiche maintenant.
» J’ai besoin d’une jachère en création. J’avais ce solo qui n’était pas complété dans mes tiroirs et comme L’Agora voulait une saison 2020-21 composée de solos, c’était une chance rêvée de compléter ce spectacle. La reprise du travail a été assez heureuse. J’ai eu le temps de reconnecter avec les raisons profondes de ma démarche artistique »
Dépouillement
Lors du retour au travail, après la fureur du bruit et des rumeurs de la crise, la chorégraphe dit avoir cherché à travailler, avec les concepteurs, en vue d’une « création assez dépouillée visant à dire une chose à la fois ».
« Ce n’était pas pour obtenir une forme contemplative, mais pour atteindre l’essentiel, tant dans le mouvement que dans la lumière, l’espace, la bande sonore. La pandémie a été salvatrice en ce sens. »

Dans son labo, la chimiste-chorégraphe a donc cherché une forme de cristallisation. Pour ce faire, il s’agit de faire bouillir, réduire et garder ce qui est vraiment nécessaire.
» Ça se reflète dans la forme. Bien qu’on ait travaillé sur une seul mode gestuel, c’est quand même très physique. Il y a beaucoup de mouvements comme si une chose en amenait une autre. Du début à la fin, on suit le même chemin. Ce n’est pas de la non-danse. »
Cohérence
Fluidité de ce qui est essentiel, direction claire, cohérence… On ne peut sans doute y arriver que lorsque le temps et l’expérience s’installent. Après des débuts en 2004, puis avec Grosse fatigue, L’invasion du vide, Je suis un autre et L’affadissement du merveilleux, elle a décortiqué les rapports sociaux en se servant d’une certaine théâtralité.
» Il y a eu comme un virage. Cette charge affective demeure dans mon travail, mais j’en arrive à une expression plus concentrée, moins expansive. J’avais besoin de tout mon parcours pour encapsuler la complexité humaine dans un format plus simple. »
La concentration du propos ne signifie pas pour autant que le travail chorégraphique se fait nécessairement à sens unique. Les caractéristiques physiques et gestuelles de même que les idées de son interprète, Marie-Philippe Santerre, ont beaucoup servi à établir le vocabulaire.
» Ça vient de mon imaginaire, mais je travaille toujours avec des artistes qui en ont un, également, très vaste. Les interprètes font leur bout de chemin, ils et elles sont complices de mes pièces. C’est un dialogue constant qui se base sur nos affinités. Plus leur personnalité est franche, plus je la conserve dans mes chorégraphies. Le travail devient passionnant parce que la création est une entité en elle-même qui pousse pour exister. Nous, on doit juste être à son écoute, comme les passeurs d’une énergie naissante. Les interprètes possèdent aussi les clefs du sens. »
Se dissoudre, à l’Agora de la danse du 11 au 15 mai.
