Le poème de la semaine: Joël Des Rosiers

par désespoir de la mort qui a tout prévu

par désespoir du monde qui n’est qu’illusion

par désespoir du temps qui n’est que poussière

l’univers est vivant les montagnes les grottes

les rivières la mer au flanc crevé les âmes des hommes

et les bêtes qui tremblent en haut des grandes croisées

la terre est mince entre les eaux profondes

un disque flottant dans le cosmos d’eau et d’étoiles

un trou noir chevauche le corps de la terre

toute mémorie enfouie avec ses ailes

qui blessent le cœur du monde depuis le commencement

verrai-je comme le chaman les signes tracés à la surface des choses

encore des heures sur le trajet calqué par la légende

encore des gestes et j’ai lissé du doigt les images de pierre

Joël Des Rosiers, photo: David Khoshatr

Poète et essayiste québécois d’origine haïtienne, Joël Des Rosiers sonde depuis toujours l’âme humaine en lien avec l’infini. Triptyque a réuni il y a deux ans ses recueils de poésie publiés entre 1987 et 2015.

Tiré de Vétiver (Prix du Festival international de poésie et du Grand Prix du livre de Montréal) et de la première section intitulée Cayes (son lieu d’origine), ce poème métaphysique démontre, comme tous ses livres d’ailleurs, sa grande maîtrise de la langue et de sa pensée, dense, profonde.

C’est une poésie à lire et à relire, exigeante diraient d’autres, qui nous apprend toujours quelque chose de nouveau sur ce que l’on croyait savoir déjà ou, encore, qui met des mots sur des maux que l’on croyait surtout indicibles.

Comme l’écrit si bien Pierre Nepveu dans la préface, cette œuvre « entreprend une reconquête, elle veut reconstruire par la force de l’imaginaire et du désir, une géographie de l’errance qui, certes. renvoie à des lieux réels et souvent reconnaissables, mais qui livre toujours ceux-ci à la vision et au mythe. »