
par désespoir de la mort qui a tout prévu
par désespoir du monde qui n’est qu’illusion
par désespoir du temps qui n’est que poussière
l’univers est vivant les montagnes les grottes
les rivières la mer au flanc crevé les âmes des hommes
et les bêtes qui tremblent en haut des grandes croisées
la terre est mince entre les eaux profondes
un disque flottant dans le cosmos d’eau et d’étoiles
un trou noir chevauche le corps de la terre
toute mémorie enfouie avec ses ailes
qui blessent le cœur du monde depuis le commencement
verrai-je comme le chaman les signes tracés à la surface des choses
encore des heures sur le trajet calqué par la légende
encore des gestes et j’ai lissé du doigt les images de pierre

Poète et essayiste québécois d’origine haïtienne, Joël Des Rosiers sonde depuis toujours l’âme humaine en lien avec l’infini. Triptyque a réuni il y a deux ans ses recueils de poésie publiés entre 1987 et 2015.
Tiré de Vétiver (Prix du Festival international de poésie et du Grand Prix du livre de Montréal) et de la première section intitulée Cayes (son lieu d’origine), ce poème métaphysique démontre, comme tous ses livres d’ailleurs, sa grande maîtrise de la langue et de sa pensée, dense, profonde.
C’est une poésie à lire et à relire, exigeante diraient d’autres, qui nous apprend toujours quelque chose de nouveau sur ce que l’on croyait savoir déjà ou, encore, qui met des mots sur des maux que l’on croyait surtout indicibles.
Comme l’écrit si bien Pierre Nepveu dans la préface, cette œuvre « entreprend une reconquête, elle veut reconstruire par la force de l’imaginaire et du désir, une géographie de l’errance qui, certes. renvoie à des lieux réels et souvent reconnaissables, mais qui livre toujours ceux-ci à la vision et au mythe. »