POÉSIE: Avec Pas de vagues

Stop! Malgré la fin prochaine de la publication de nouveaux recueils à L’Écrou, la poésie québécoise continue d’essaimer dans les marges. Plusieurs petits et micro éditeurs ont vu le jour au cours des dernières années, permettant à la relève de trouver maison à ses mots. Pas de vagues est probablement le plus étonnant de ces souteneurs du verbe. Éliot B. Lafrenière fabrique à la main les plus beaux écrins poétiques qui soient.

Graphiste de formation, Éliot B. Lafrenière a fondé Pas de vagues en 2017. Poète à ses heures, il rêvait de pouvoir allier dans des publications singulières la qualité du verbe et du design graphique. Il dessine, photographie et utilise même diverses sortes de papier pour enrober des titres comme Tamarac, Les airs brûlent, Incantations pour structurer le ciel.

 » La structure matérielle de nos livres est aussi signifiante que les mots, explique-t-il. J’essaie de composer avec l’idée d’entrecouper le texte de matière, de chapitres, de positions dans l’espace. Je m’intéresse beaucoup à la visibilité des signes ou comment les images se révèlent à nous. Je m’efforce de comprendre l’idée des textes afin de les traduire en objets. « 

Rencontres

L’éditeur croit aux rencontres. Si le texte entame la marche, la réponse visuelle ne se fait pas attendre. Les recueils pasdevaguiens se construisent souvent en collaboration.

« Il m’arrive aussi d’entreprendre des projets photographiques et de demander à un auteur ce qu’il pourrait écrire par rapport à mes photos. »

Image du recueil Les airs brûlent d’Eliot B. Lafrenière

Extrait : « Peut-être rêvons nous d’acétylène et d’hydravions / à ces jours de fer pur qui déchirent le commencement / aux vinaigriers accouchant d’oiseaux incarnats dans le blizzard / les épaules couvertes de goudron / le coeur dans les neiges de propofol »

La poésie l’a toujours passionné. Il y voit une forme extrême et belle de dire les choses autrement. Le langage possède déjà, selon lui, des qualités picturales intrinsèques.

« Le livre est matière. Les inscriptions sur les pages sont faites avec de la poudre qui est cuite. J’ai la certitude qu’on réalise, avec les livres, des dessins comme dans les grottes il y a longtemps. C’est la même chose. »

Le recueil Les ruptures sont trop nombreuses de Lysandre Ménard

Six recueils sont parus jusqu’à maintenant chez Pas de vagues, dont celui de Lysandre Ménard, Les ruptures sont trop nombreuses. Musicienne et poète, la jeune femme a aussi joué le film de Léa Pool, La passion d’Augustine en 2015.

Recueil Tamarac de Guillaume Gagnon Lortie

« J’essaie de comprendre comment les signes iconiques ou rythmiques peuvent créer des tensions formelles dans les lignes et les plans de compositions, poursuit l’éditeur. Les images, pour moi, sont formées de la somme des mots et de la matière comme les photographies ou les dessins. Grosso modo, c’est de la peinture. Sauf que mon pinceau est une imprimante. »

Le plus récent livre de Pas de vagues est le deuxième de Guillaume Gagnon Lortie, Tamarac. Un recueil qui s’inscrit dans une élan de verticalité.

« Guillaume travaille beaucoup le plus-grand-que-soi. Il vit le monde de cette façon. On a perdu un peu notre relation au sacré et son livre nous indique que tous les moments de la vie peuvent inciter au recueillement. Un des temples qui nous restent c’est le livre.« 

Art visuel

Le design graphique chez Pas de vagues relève clairement de l’art visuel. Éliot B. Lafrenière soutient d’ailleurs faire du ‘ »graphisme d’auteur ». Plusieurs pages des recueils qu’il publie existent sans texte, mais comportent des caractéristiques métaphorique, poétique, onirique, voire ludique évidentes.

« J’aime l’idée de pouvoir faire circuler des imaginaires dans la société. La poésie au Québec reste à échelle humaine et ça me plaît », souligne-t-il.

S’il a créé ses livres à la main jusqu’ici, il n’exclut pas la possibilité d’utiliser d’autres formes d’impressions. Quand il construit les recueils, cependant, il peut y apporter des changements en cours de route.

 » L »objet poésie peut être altéré par toutes sortes de facteurs. Je peux laisser une caisse de livres dehors et la pluie ou la neige se chargeront d’y effectuer des modifications.  »


Les lecteurs et lectrices de poésie peuvent se procurer les livres de Pas de vagues sur le site web : https://www.pasdevagues.com/