
La science-fiction au théâtre est chose rare. Comme la réalité semble s’en moquer, il est vrai que toute SF peut tomber rapidement dans le domaine de la science tout court. La dramaturge Marie-Claude Verdier a beaucoup réfléchi à la question et son texte Seeker prend le point de vue humain en compte face à la course technologique. Le metteur en scène Justin Laramée nous en parle.
Seeker est un suspense de science-fiction. Il vaut donc mieux donc ne pas trop en dire. Mais tout de même ceci : ce n’est pas une tentative de grand déploiement, ni une transposition d’un scénario de film sur scène, ni une suite d’effets « spéciaux ». Seeker, c’est l’humanité devant des choix déchirants à l’époque où la science pourrait nous faire déraper, notamment au sujet de la possibilité de manipulation des mémoires individuelles ou collectives.
« C’est très lent et psychologique, il y a beaucoup plus de non-dits que de mots dits, explique le metteur en scène Justin Laramée. C’est vraiment un privilège d’être assis à deux mètres de Madeleine Péloquin et David Boutin en tout temps, de les voir travailler dans le minimalisme et les sous-entendus. C’est de toute beauté. »
Seeker joue donc sur la compréhension/incompréhension psychologique, basée sur un échange tortueux entre un homme et une femme, comme il en est souvent de même pour nous, pauvres quidams, face à la science, son utilisation et ses retombées.
« Le défi dans ce genre de pièce c’est de s’assurer que tout le monde comprenne les mêmes choses en même temps. On est en train d’attacher les derniers fils pour s’en assurer. »
Réalité de l’espace-temps pandémique : l’équipe a eu la chance de pouvoir répéter Seeker en salle pendant cinq semaines. Une rareté qui a permis de penser et repenser le spectacle qui devait être présenté, au départ, la saison dernière.

Complicité
Pour y arriver, le metteur en scène et la dramaturge ont œuvré main dans la main dès le début. Marie-Claude Verdier possède une maîtrise en dramaturgie de l’Université de Glasgow en Écosse. Ses pièces ont été jouées davantage en France et en Angleterre jusqu’ici. Elle a, par contre, beaucoup travaillé en dramaturgie de plateau à Montréal.
« C’est rare que je vois une intellectuelle du théâtre avec des bottes et des gants de travail. Elle est complètement dans un type de création qui ressemble à ce que fait le Théâtre Le Clou où les auteurs sont directement attachés aux interprètes et où la création se monte en parallèle d’une première version du texte. »
Justin Laramée a connu Marie-Claude Verdier en jouant dans L’Iliade au Théâtre Denise Pelletier il y a quatre ans. Celle-ci œuvrait à la dramaturgie de plateau de la pièce adaptée par Marc Beaupré.
« Comme juré à Dramaturgies en dialogue, j’ai vu le texte non terminé de Marie-Claude qui a connu environ mille vies. Ça s’appelait Univers à l’époque. Elle a vu un spectacle que je montais aux Écuries, Nous irons cirer nos canons numériques dans un sweatshop portugais de Maxime Brillon, dans laquelle on avait une scénographie au laser, et elle m’a offert la mise en scène de ce qui allait devenir Seeker. »
Au départ, les associés souhaitaient tabler sur la production coûteuse d’hologrammes, mais le metteur en scène a rapidement convenu avec la dramaturge qu’il fallait davantage centrer le récit sur les personnage et les situations que sur un univers à la Isaac Asimov.
« Depuis, nous avons été entrelacés dramaturgiquement. Marie-Claude écrivait encore jusqu’à tout récemment. C’est normal surtout quand on fait de la science-fiction au théâtre. Quand il y a une aspérité technologique, ça ne pardonne pas. Surtout collés sur les spectateurs dans la salle Jean-Claude Germain. Toute la création a été complexe, mais super emballante. On travaille fort pour rendre le tout crédible. »

Flammèches
David Boutin interprète un « seeker » – quelqu’un capable de lire les mémoires d’autres personnes, de sentir les odeurs et de goûter les saveurs – dans la pièce. Madeleine Péloquin joue son ex-femme qui a ramené d’une expédition sur Mars une pierre étrange semblant contenir des fichiers mémoriels. Ensemble, ils travaillent à découvrir les pouvoirs de cette pépite.
Comme fan de science-fiction philosophique, Justin Laramée a adoré des films comme 2001 : l’odyssée de l’espace, Interstellar et Blade Runner. Là où l’on projette le destin humain dans le futur, il raffole. Autant au cinéma qu’en littérature.
« J’aime quand le récit est porté par les personnages et non les prouesses technologiques. Je suis un raconteur d’histoires. Pour moi, c’est plus important que les effets visuels ou sonores. »
Le son, si important en SF comme on l’a vu maintes fois au cinéma, sera la responsabilité d’Andréa Marsolais-Roy. « Elle est probablement la meilleure de sa génération. Avec Odile Gamache à la scéno et Martin Labrecque aux éclairages, on a une équipe de feu et ça va faire des flammèches », souligne-t-il.

Seeker est présenté è la salle Jean-Claude Germain du CTDA jusqu’au 2 octobre