
Les Rencontres de la photographie en Gaspésie en sont maintenant à leur 13e édition. On connaît leur modus operandi. Il s’agit de couvrir un très large territoire avec des événements de toutes sortes, sur une période commençant en mi-juillet pour se terminer à la fin septembre. Cette année, quelque 400 kilomètres séparent le lieu de la 1ère exposition à Petite-Vallée de celui de la dernière dans la Baie des Chaleurs, à Matapédia. Alphiya Joncas et Alain Lefort forment ainsi une double parenthèse qui encadre toutes les autres.
Cette année, ce sont 18 événements qui composent ces Rencontres. On comprendra qu’il est difficile de les recenser tous. On compte parmi ceux-ci seulement quelques expositions en intérieur. Il y a celle de Michel Huneault qui ne commencera que le 20 octobre au Musée de Gaspé, celle de Fiona Harris à Vaste et Vague dont la vernissage est en août.
Des occasions assez singulières font aussi partie de l’événement. Comme l’exposition dans une chambre d’hôtel qu’il faut réserver, un classique des Rencontres depuis quelques années. C’est à l’Auberge des Caps que sont offerts les travaux de Julie Hascoët. Ajoutons aussi cette sélection de livres photographiques, commissariée par Louis Perreault, qui peut être admirée à la Bibliothèque Gabrielle-Bernard-Dubé, à Carleton-sur-Mer, centre névralgique de ces Rencontres puisque plusieurs événements s’y concentrent.
L’exposition présentée à la Pointe-à-la-Croix, au Lieu historique national de la Bataille-de-la-Ristigouche, de John Max, ne peut présenter que du travail connu, car le photographe n’est plus des nôtres depuis 2011. Il est certain que la perspective adoptée sur la sélection sera intéressante. Mais diverses raisons, dont la simple disponibilité du critique, baroudé dans le large paysage de la Gaspésie, nous mènent à en privilégier certaines. Avec toutes nos excuses pour ceux et celles dont on ne pourra parler!
Eiji Ohashi, Roadside Lights (Lueurs sur la route), Maria
Ce photographe japonais n’a commencé réellement sa carrière qu’à l’âge de 54 ans. Dans cette série, il s’est intéressé aux machines distributrices de boissons que l’on retrouve en tous lieux au Japon. Il s’est amusé à les débusquer dans les endroits les plus inattendus, suivant même leur modernisation au cours des années. Les œuvres ici retenues sont présentées dans des caissons lumineux, ce qui surenchérit sur leur présence presque auratique dans des lieux apparemment peu opportuns, parfois, pour la vente. Ces machines se montrent en plus en avant-plan de paysages typiquement japonais. Ce faisant, le photographe illustre le consumérisme débridé de toute sa société. Sur le quai de Maria, ces caissons sont presque couché, légèrement inclinés et forment un cadre étrange à la contemplation de l’eau, par-delà l’horizon qu’ils dessinent. D’autres présences surprenantes ajoutent à l’expérience du spectateur. En effet, sur de petits lutrins, pareillement inclinés, des poètes de la région ont confié certains de leurs vers. Une initiative de la municipalité qui n’a rien à voir avec l’événement, Espoir radical, mais la rencontre est belle!
Éliane Excoffier, D’autres fables, Percé


Ici, on a une disposition un peu plus conforme avec ce à quoi nous ont habitués les Rencontres. Ce sont les deux faces de stèles blanchâtres qui reçoivent les images. Dans le cas d’Éliane Excoffier, c’était systématique. Mais ce ne l’est pas toujours! Cette fois, l’ensemble est quelque peu décalé de manière à permettre une lecture complète, d’un coup d’oeil, d’un côté visible comme de l’autre. Les deux élévations forment une sorte de pyramide qui mène à une image verticale alors que les autres sont horizontales. On retrouve l’univers intimiste, tout en théâtralité, de l’artiste. Texture, clair obscur, motif de tapisserie surannée, poil, plume, drapé de lourd rideau; l’ensemble a quelque chose de pièces sombres, de vaguement élisabéthain. Une cage d’oiseau émerge du noir. Une main recueille une plume tombante. Des coussins reposent sur un lit, un sofa, on ne sait! Tout cela sent la maison sombre, les objets, orphelins d’un cabinet de curiosités. On a recueilli ce qu’on pouvait et orchestré le tout dans une danse d’images. Sur les stèles si blanches, dans le soleil insolent de l’été, avec, en arrière-plan les caps et l’île Bonaventure, c’est saisissant. Cela se déplie comme une proposition qu’on aimerait prendre avec soi. Une histoire qu’on voudrait lire dans l’intimité de pièces aussi sombres que celles qui nous sont suggérées dans ces photos.
C’est à suivre…
Espoir radical
Rencontres de la photographie en Gaspésie, du 15 juillet au 30 septembre 2022