THÉÂTRE : Mathieu Gosselin, poète incubateur

Mathieu Gosselin dans Grtos gars, photos:

Mathieu Gosselin a présenté son spectacle Gros gars en pleine pandémie à la Licorne en 2021 devant un public en jauge réduite. Il l’a revu et corrigé afin d’en proposer une version définitive au Prospero, toujours dans une mise en scène de son amie Sophie Cadieux.

Gros gars c’est un peu beaucoup une pièce sur la vie de Mathieu Gosselin d’hier et d’avant-hier. Comédien et auteur, il est, selon ses propres mots, un procrastinateur qui travaille beaucoup. Depuis l’adolescence, il écrivait des poèmes qui ont failli être publiés par la défunte maison de poésie L’Écrou et qu’il peut lire maintenant sur scène avec un peu de distance et d’humour.

 » Comme ça ne pouvait pas être une suite décousue de poèmes, je n’ai pas eu le choix que de m’impliquer et de me livrer davantage dans la pièce, explique-t-il. L’autobiographie s’est ainsi imposée. « 

Sa poésie crue, organique dit les choses autrement, mais en usant d’un langage issu du quotidien et/ou de l’expérience. Une parole qui est devenu un solo de mise en danger et de vulnérabilité pour lui.

 » Même si je suis un grand fervent de la poésie québécoise des années 60-70, celle qui faisait naître le territoire et aidait à nommer le pays, on n’y est plus vraiment. Aujourd’hui, on partage plus une vision personnelle du monde. Ça vient des déséquilibres et des drames qu’on vit. C’est un peu un cliché, mais c’est vrai que ça sort mieux quand on souffre. « 

L’auto-sabotage est l’un des thèmes qui revient dans la pièce. On sent l’artiste tiraillé dans ce texte où il se remet constamment en question. Le spectacle commence tel un récital de poésie théâtral, mais s’éloigne du foisonnement du verbe pour devenir une fouille archéologique de soi. On y passe de l’éclaté au concentré.

 » Ça raconte un peu les aléas de la création, comment on prend des chemins qui mènent nulle part, mais qui demeurent fertiles. J’aime parler de procrastination lumineuse, parce que ce n’est pas que négatif. Elle m’a procuré de nouvelles connaissances, de nouveaux sujets. La curiosité nous mène dans des culs-de-sac fascinants. Il y a un combat entre l’idéal à accomplir et des sentiers tortueux qui nourrissent également. « 

Depuis l’écriture de ce spectacle, il a l’impression d’avoir terminé une étape de sa vie où il se sent plus proche de ses objectifs de création en travaillant plus concrètement pour les atteindre, notamment.

Passé et présent

La version définitive du spectacle présente donc le Mathieu Gosselin créatif qui a quelque peu pris ses distances avec la procrastination, qui sait mieux mettre un point final à ses projets, sans se fondre dans un moule productiviste pour autant même si la lenteur n’est pas tellement au goût du jour.

 » La lutte intérieure se produit entre le Mathieu présent et le gros gars du passé. Le Mathieu qui raconte le spectacle est celui qui regarde l’image qu’il a de lui-même avant. Oui, il y a nécessairement une distance entre les deux archétypes. Quelqu’un me disait récemment qu’il n’est pas un procrastinateur, mais un incubateur. Il y a quelque chose qui se prépare en dedans et à un moment donné, ça sort. Même les plus efficaces d’entre nous, ont besoin de moments pour respirer ou se distraire du but. Le côté positif de la pandémie aura été de nous avoir permis de prendre plus notre temps. « 

Pour l’aider à accoucher du nouveau Mathieu Gosselin, il a fait appel à sa collègue au sein du collectif de la Banquette arrière, Sophie Cadieux.

 » On a retravaillé la majorité du spectacle ensemble. C’est une amie de longue date qui peut m’amener dans des chemins qui sont surprenants pour moi. Elle est capable de voir les moments où je risque de tomber dans certaines facilités. Sophie ne craint pas de poser des questions qui chamboulent et m’obligent à porter plus loin ma réflexion. Nous avons une grande complicité. « 

On pourra aussi revoir Mathieu Gosselin bientôt avec le Théâtre de la pire espèce dans Anatomie de l’objet au Théâtre aux Écuries. Il est également en train d’écrire un roman graphique jeunesse, entre autres. De procratination, il n’y aura point… final !


Gros gars est présenté au Prospero du 31 janvier au 18 février