
La nouvelle pièce d’Olivier Sylvestre, Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire, parle des quatre A: admiration, amitié, amour, attirance. Tout ce qui se mêle et s’entrechoque avant, pendant et après la première fois. Chez les jeunes, le sexe demeure un tabou, selon le dramaturge.
Il y a un problème avec le sexe. Dany Boudreault aborde cette question par l’angle de la porno dans Corps célestes. Pascale Drevillon fait exploser la binarité dans Genderf*cker et, de son côté, Olivier Sylvestre s’attaque à l’éducation, ou plutôt, au manque d’éducation sexuelle. Dans tous les cas, on déboulonne les tabous et on constate le trouble.
Avec Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire, l’ex-intervenant social en Olivier Sylvestre ne cache pas qu’il cherche à faire oeuvre utile pour les adolescents qui assisteront au spectacle à la salle Fred-Barry. Le dramaturge estime qu’à l’ère de la surexposition provoquée par les réseaux sociaux, le sexe fait encore peur.

“Les jeunes, dit-il, sont terrorisés à l’idée de ne pas être normal et pas seulement au niveau sexuel. Si ma pièce réussit à atténuer cette terreur-là et si ça ne touche qu’un seul ado, j’aurai réussi mon coup.”
La pornographie étant super accessible, Olivier Sylvestre note que la sexualité-spectacle est entrée dans la culture populaire.
« C’est souvent comme ça que les jeunes s’éduquent en raison de l’absence de cours de sexologie. Les profs ne sont tenus que de donner entre 5 et 15 heures de cours sur la sexualité par année. C’est ridicule. Les années 70 étaient davantage ouvertes que maintenant. Ça demeure un tabou le sexe.”
Olivier Sylvestre a réalisé un projet avec des élèves du secondaire pour ancrer la pièce dans la réalité des jeunes. Il y a découvert que l’homosexualité reste aussi un tabou et que l’âge des premières relations, malgré certains clichés, tourne toujours autour de 16-17 ans.
« Je pense que la séduction est plus difficile pour les ados aujourd’hui parce qu’elle se fait à travers la technologie et les applications. On ne sait peut être plus comment aborder l’autre. Une recherche américaine récente a d’ailleurs démontré que le groupe d’âge de 18 à 25 ans est celui où il y a le moins de relations sexuelles. Le développement de la sexualité est plus compliqué de nos jours.”
Amour-amitié-sexualité
Dans la pièce qui se déroule à la veille de l’an 2000, les trois personnages de Sol, Ben et Oli, s’aiment de toutes les façons possibles et imaginables, mais n’en demeurent pas moins incertains face à leurs penchants « naturels » et leurs désirs « réels ».
“Ces questions font partie de mes obsessions, comme dans ma pièce La loi de la gravité qui n’a pas été montée ici. Cette fois, je voulais toucher davantage à la gestion des pulsions sexuelles dans la pratique. Est-ce normal de sentir une attirance à la fois pour un gars et pour une fille? Comment définir ça? Qu’a-t-on envie et qu’a-t-on le droit d’explorer? C’est beaucoup plus fluide dans la vraie vie que les cases dans lesquelles on veut mettre l’admiration, l’amitié, l’amour et l’attirance. »
Olivier Sylvestre a travaillé avec la metteuse en scène Gabrielle Lessard (Ici, Déterrer les os) pour traiter de ces relations pas claires claires entre les trois amis.
« J’ai laissé Gabrielle aller au bout de sa lecture et de son élan de création. Je ne voulais pas regarder au dessus de son épaule pour valider ce qu’elle fait. J’admire Son travail. C’est une femme qui est tellement drôle. Et le fait que ce soit une metteuse en scène amène quelque chose de vraiment intéressant. C’est un peu une pièce de gars et un regard de femme représente une bonne idée.”

Théâtre social
Le dramaturge confie que ce que vit le trio dans la pièce aurait pu lui arriver à l’âge ingrat de l’adolescence. De façon générale, il dit s’inspirer d’événements de sa vie.
« J’aime jouer avec l’autofiction, transformer les souvenirs en fiction. C’est en exposant l’intime qu’on devient le plus universel. Les questionnements que j’avais. enfant et ado. sont mes moteurs pour l’écriture. C’est sûr que j’aurais pu. dans ma vie. être déchiré entre ma blonde et mon meilleur chum. Je ne me cache pas là-dedans, mais la fiction transforme les choses.”
“Quand je donne des ateliers d’écriture, poursuit-il, je dis ce que j’ai appris à l’École nationale, c’est-à-dire si tu n’as pas un peu honte de ta pièce c’est qu’il manque quelque chose dedans. C’est ce qui est sensible qui est intéressant. Il y a de ces moments là dans la pièce qui m’ont fait un peu rougir.”
Toujours dans un but de réflexion et d’intervention. Son théâtre cherche avant tout à faire réagir dans le but, qui sait, de changer un peu les choses.
« J’étais un intervenant avant et j’ai l’impression de l’être encore dans mes pièces. Il y a un propos social dans ma pièce sans faire la morale. J’ai rien contre ça au contraire on a une responsabilité comme auteur. Si c’est bien fait je crois que plusieurs pièces, dont celle-ci, pourraient tourner dans les écoles. ”
Déjà publié chez Hamac, le texte du Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire superpose habilement action et narration. Olivier Sylvestre dit aimer le fait que les personnages se questionnent en même temps qu’ils vivent l’action. « Comme public, ça nous place un peu dans une position impudique. On rentre dans leur tête. »
Ces stratégies narratives visent tout autant à tenter de cerner des réalités complexes auxquelles il faut revenir sans cesse dans l’agora public.
« J’ai tendance à penser que ce n’est pas la pièce en elle-même qui est importante sinon la discussion que ça suscite. On veut raconter une bonne histoire et faire un bon show, mais il faut surtout voir comment ça va délier les langues, comment on va en parler après et rougir un peu. Je dis souvent aux ados, si vous ne voulez pas en parler aux adultes, parlez-en entre vous. C’est ça la fonction du théâtre. Si ce n’est qu’un beau spectacle et qu’il ne reste rien après, ça ne vaut pas la peine.”

Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire est présentée à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier du 18 février au 7 mars.