
Le Théâtre de l’Opsis de Luce Pelletier poursuit sa quête de textes de femmes d’ailleurs toujours aussi pertinents les uns que les autres. La pièce de la dramaturge moldave Nicoleta Esinencu, That moment – Le pays des cons déboulonne avec un humour mordant la corruption et le capitalisme sauvage.
Le Théâtre de l’Opsis nous parle de politique et d’économie. Avec un humour jaune ou noir, c’est selon. Luce Pelletier a dégotté des récits traitant de ce qu’on pourrait qualifier de « Bougons » moldaves. Sa source: l’écrivaine Nicoleta Esinencu dont la prose trouve écho dans notre société, selon elle.
« En Moldavie, il y a beaucoup de luttes linguistiques, comme ici. On rit avec un petit goût de suri dans la bouche dans ses textes . Au Québec, il y a de la corruption, mais ce n’est pas au niveau de ce qu’on voit dans la pièce. Ici, on vit d’espoir, mais, eux, leur espoir c’est de faire pousser un arbre avec de l’argent dedans. Le texte peut paraître cynique, mais on évite d’y aller en spectacle. »
Le spectacle de 50 minutes est, en fait, composé de deux textes. La première partie Le pays des cons est tiré d’une nouvelle écrite par l’autrice moldave au sujet de la Mer noire.
« Pour ce qui est de That moment, ce pourrait être un solo, note la metteuse en scène. À cinq, c’est magnifique de le jouer. Ça donne quelque chose de très dynamique. Je voulais éviter de faire un solo puisqu’il y en a beaucoup en ce moment en raison de la crise. »
« La dramaturge a écrit plein de textes sur le rêve américain, d’ajouter la directrice de l’Opsis. Je voulais que ce texte soit produit avant les prochaines élections aux États-Unis. Si Trump reste au pouvoir, l’American Dream tel que décrit dans la pièce, prend toute une débarque. «
Sur scène, on sera donc face à cinq comédien.n.e.s – Christophe Baril, Sylvie De Morais-Nogueira, Caroline Lavigne, Daniel Parent et Léonie St-Onge – qui ont moins travaillé que d’autres avec le Théâtre de l’Opsis auparavant.
« Je cherchais des interprètes qui pouvaient danser et variés quant à leur âge, leur provenance, leur évocation sur scène pour avoir cinq voix très différentes. Ils se sont bien rencontrés, je trouve. »
Et peu importe les conditions de travail, comme plusieurs artisans de théâtre en ce moment, tous les membres du groupe étaient très enthousiastes de revenir sur scène.

« C’était beau de voir ça. Quand on a commencé les répétitions en août, on était comme fous. Pendant les pauses, les gens échangeaient beaucoup entre eux plutôt que de se pencher sur leur cellulaire. Travailler devant son ordi c’est une chose, mais avec du monde en vrai c’est beaucoup mieux. »
« J’ai demandé à Sylvain Émard de travailler avec moi,a joute-t-elle. Pour que ça explose à la fin, il y a un cinq minutes de danse. Sylvain a réussi à écrire une chorégraphie qui maintient la distance entre les acteurs. »
Année difficile
Normalement, sa saison 2020-2021 aurait contenu deux spectacles. Espace GO étant dans l’impossibilité de l’accueillir cette année en raison de la pandémie, c’est à Fred-Barry, devant 33 spectateurs, qu’est donc présenté la pièce moldave.
« J’ai gardé le même projet avec les cinq mêmes acteurs et concepteurs. On a travaillé sur le web en tenant compte des mesures sanitaires. À Fred-Barry, il est possible de mettre en scène la pièce, qui est une adresse au public, à deux mètres de distance. On a aussi un décor et des costumes. Et c’est une pièce qu’on espère pouvoir présenter en tournée. On ne se cachera pas que le théâtre joue à perte en ce moment. »
L’incertitude persiste toujours quant à la suite des choses autant chez les artistes que les diffuseurs. Luce Pelletier planchait déjà sur un solo, avec une metteuse en scène invitée, et elle espère pouvoir travailler en laboratoire pour la suite des choses.
« Le milieu, surtout les plus petites compagnies, est extrêmement fragilisé en ce moment. J’aurais besoin d’un peu de souffle et envie de dire à un théâtre de m’adopter », fait-elle dans un grand rire qu’il serait difficile de qualifier de rose, jaune ou noir.
Du 29 septembre au 17 octobre à la salle Fred-Barry.
Extrait de la pièce
« ben quoi, tu n’as pas vu à la télé
si tu es juge et mettons que tu provoques un accident
eh bien, même si c’est de la faute du juge
c’est l’autre qui paye la voiture
et s’il ne veut pas la payer
on le met en prison
c’est comme ça que les choses se passent quand tu es juge »
infos: denise-pelletier.qc.ca