
Excellente, cette mise en scène hyperdynamique de Luce Pelletier d’un texte moldave portant sur la consommation et la corruption. That moment – Le pays des cons c’est le portrait cinglant d’un monde où le capitalisme sauvage à la Trump va directement à sa perte.
Un tour de force, rien de moins. En dirigeant cinq interprètes à deux mètres de distance sur scène dans un monologue subdivisé en des rôles différents, Luce Pelletier a mis au monde un très rare spectacle – qui n’est pas un cabaret ni un solo – de temps de pandémie. Fort, très fort.
Le texte de la Moldave Nicoleta Esinencu, d’abord, est une véritable perle qui désamorce, par l’ironie et l’absurde, le rêve américain. Celui de tout acheter, de tout posséder et de prendre tous les moyens pour y arriver. Sans égard pour la morale ou la décence et les autres, incluant les membres de sa propre famille, vivants ou morts.
Humour noir, mordant, presque cynique. On évite la caricature ici en tablant sur des interprètes de haut niveau – Christophe Baril, Sylvie De Morais-Nogueira, Caroline Lavigne, Daniel Parent et Léonie St-Onge – qui, s’adressant directement au public, se fondent en une seule voix tout en la diversifiant.
La mise en scène dose très bien le rythme de la pièce, les diverses modulations de tons et les quelques mouvements des actrices.teurs dans une scénographie simple, une toile évoquant des édifices de HLM, qui laisse apercevoir, en fond de scène, un immense drapeau américain.
Le concepteur sonore Martin Tétrault habille le début de la pièce d’un climat d’étrangeté pertinent et compose pour la finale – sur une excellente chorégraphie de Sylvain Émard – une trame originale, naviguant entre les musiques klezmer, tribale et tzigane. Cette dernière partie ajoute d’ailleurs une conclusion parfaite au spectacle.
Les cinq interprètes effectuent avec doigté une danse haletante, qu’on pourrait dire macabre, où ces parvenus, nouveaux riches, Bougons moldaves arborant un couvre-visage à paillettes – clin d’œil à la pandémie -, méprisés devenus méprisants, s’agitent et se contorsionnent jusqu’à la mort. Comment pourrait-il en être autrement?
Quand on voit des partisans de Trump « manifester » à Montréal, on se dit que cette Moldavie n’est pas si loin de nous. Que l‘American Dream a manifestement contaminé la planète entière. Reste à voir si l’argent, la corruption et le pouvoir sont quelque peu solubles dans la COVID-19.
À la salle Fred-Barry la pièce That moment – Le pays des cons a été interrompue après deux soirs par la pandémie – disons plutôt la décision gouvernementale de reconfiner la culture sans explication logique – mais il est fort possible que les représentations reprennent en novembre, nous dit-on… C’est à souhaiter.