
Ce recueil de textes tombe à point! Les événements récents ont très certainement rendu le public plus curieux de ceux-là qui vivent pas loin de nous et sur ce territoire depuis plus longtemps que nous. Il est seulement triste de constater qu’il a fallu un drame pour que l’écoute se fasse plus grande. Après le spectacle Waskapitan, voici d’autres témoignages de ce qu’expérimentent et espèrent des artistes visuels autochtones.
On a affaire ici à un regroupement d’une douzaine de textes. Ils sont de diverses factures. Certains font un tour d’horizon de l’histoire récente d’artistes autochtones, ou offrent le récit de vie de certains artistes dans leur désir d’explorer leur art et de veiller, par celui-ci, à un éveil qui est souhaité autant chez les allochtones que chez leurs semblables.
À travers des initiatives dont il est fait état ici et là au gré des textes, on relève une même résolution et un même espoir; celui de travailler à une renaissance et à une guérison. Ce n’est pas une mince tâche à entreprendre et on peut imaginer nombreux, les obstacles.
Critique, donc, de l’état actuel et des effets d’un lourd historique de domination, pistes de solution dégagées, témoignages enthousiastes, exubérants presque, de la place que l’art a pris dans la vie de certains et de celle qu’elle peut prendre dans une communauté, évocation d’expériences enrichissantes (malgré tout, serait-on tenté de dire!), textes issus d’un dialogue joué et filmé mais empreint de réalisme; le tout forme un ensemble hétéroclite où vitalité et désespoir, bizarrement, vont de pair.
Mais cette réunion doit toute sa cohésion à la contribution de France Trépanier. On sent bien, dans les textes qu’elle cosigne, son expertise qui lui vient de rapports et d’observations produits pour le Conseil des Arts du Canada. Les contributions individuelles ajoutent certes beaucoup à l’ensemble, mais on comprend que ce ne serait pas suffisant sans cette armature qui soutient le tout.
Depuis cette colonne vertébrale centrale, ensuite peuvent rayonner les autres textes. Ils montrent ce qui a pu récemment être accompli dans des initiatives de toutes sortes. Portraits d’artistes par elles-mêmes donc, entretien avec Rita Letendre, mi-abénaquise, mi-canadienne-française accompagnent des essais qui rendent compte d’événements divers, expositions ayant en commun d’avoir montré des œuvres d’artistes autochtones.
Ce sont donc des échos du Projet Tiohtià:ke du Collectif des commissaires autochtones, de la 4e édition de la Biennale d’art contemporain autochtone de 2017, de l’organisme Kamishkak’Arts de Mashteuiatsh et de l’exposition de 2016, De tabac et de foin d’odeur. Là où sont nos rêves, présentée au Musée d’art de Joliette.
L’expression d’un certain courant politique et idéologique n’est évidemment jamais loin et il pourrait difficilement en être autrement. Aux efforts pour un avenir postcolonial, ou, pour le dire autrement, pour l’effort d’un simple avenir fructueux pour les autochtones de partout au Québec, se mêlent les espoirs et frustrations, pressantes et aigues, d’artistes autochtones 2ELGBTQQIA (personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer, en questionnement et intersexuées ou asexuelles), souvent doublement exclues, et des communautés PANDC (personnes autochtones, noires et de couleur).
À la suite de la lecture de ce livre, cependant, il nous apparaît clairement ce que ce dernier regroupement peut voir de malavisé, tant les enjeux de survie des autochtones relèvent d’une injustice plus ancienne et de nature quelque peu différente, moins dans ses effets que dans sa cause première.
Il faut donc s’attendre à des coquetteries graphiques dont on voit encore peu les effets aujourd’hui. J’avoue ne pas avoir trop souffert de l’usage combiné du féminin et du masculin, manifesté en ce point suspendu qui semble bien bien abrupt que la barre oblique auparavant en vogue chez les auteur/e/s.
On est donc, comme lecteurs, confrontés à une expresion de cette gauche woke qui hérisse tant Mathieu Bock-Côté, suite à la « censure » de son livre, par l’Association des libraires du Québec, dont il a pu se plaindre sur bien des tribunes.
Mais à lire sur cet ostracisme qui perdure depuis tant d’années et dont nous, Québécois, ne nous sentons pas les auteurs car il est vrai que nous n’en sommes que les complices (ce qui est à la fois contestable et guère mieux!), on se surprend à penser que l’avenir devra bien être autochtone pour pouvoir être moralement tolérable.
Collectif sous la direction de Camille Larivée et de Léuli Eshragui
D’horizons et d’estuaires : entre mémoires et créations autochtones
Éditions Somme toute
Textes en français et atikamekw
152 pages (incluant 26 images couleurs)
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