
Le poème de la semaine ne cherche pas le nirvana poétique ou le greatest hit d’un·e poète. Mais plutôt une sorte de compendium de ce son écriture qui la ou le définit à nos yeux. Cette semaine, Benoit Jutras, tel que publié aux Herbes rouges.
S’il y a une histoire elle n’a pas mes habits
je disparais à me demander comment
une neuvaine de chiens de lumière
combien de pays à perdre
pour être sûr de l’amour
réchauffer le thé compter les plumes
trombe d’air de quoi
pourquoi il n’y a plus d’oliviers
dans la bouche de ma mère.

Dites « Benoit Jutras » dans le milieu littéraire québécois et les yeux de vos interlocuteurs s’ouvrent grand. Respect et admiration un peu partout pour cette œuvre solide et conséquente : sept recueils où s’entremêlent, tel les éléments d’un couple immortel, force et vulnérabilité.
La multiplicité des voix dans Golgotha démontre que l’ultime frontière n’est pas l’espace intersidéral, mais bien ce théâtre intérieur mettant en scène toutes les colères retenues et les impatiences élégantes.
Comme dirait le poète, ce n’est pas le quoi qui importe dans son art, mais le comment. La langue à proprement dit qu’il forge pour en extraire un mystère percutant. Ce n’est pas son histoire, ni celle de Dieu ou de la mère, mais toutes en même temps. Toutes ces voix en lui qui le rendent touchant, ici, par rapport à un sentiment, l’amour, qui, ailleurs, n’est que rime puérile.
À la sortie de Golgotha en 2018, le maître ès scansion croyait être à la fin d’un cycle. En relisant le recueil, on croit apercevoir une forme de théâtre à la Novarina où l’instinct et la poésie « croche » emporte les nombreux personnages vers ce qui compte vraiment, l’énigme humaine dans toute sa complexité. Exactement là où ça fait mal.