
Elle Barbara ouvre la saison du Théâtre de la Chapelle et de Danse-Cité le 11 septembre prochain avec son spectacle Ayibobo™ III: Little Dollhouse on the Prairie, la troisième partie d’une « conversation continue » sur la spiritualité vaudou. Ouvrir les saisons, les esprits, les possibles, voilà qui décrit bien la démarche de l’artiste multidisciplinaire et militante. Pour créer une ouverture, parfois, il faut forcer les portes.
En cette ère de toutes les hybridités, Elle Barbara représente l’antidote parfaite aux préjugés raciaux et de genre, aux clichés qui écartèlent la culture populaire et l’art expérimental aux extrémités du spectre. Son plus récent spectacle allie théâtre et expérimentations, éléments sonores et récits dans une réflexion sur la spiritualité vaudou.
Directrice artistique, Elle Barbara y apparaîtra par moments, mais elle a surtout invité quatre interprètes à choisir un esprit vaudou afin de créer une scène incarnant le dit esprit ou « Lwa » – aussi appelé « intermédiaires spirituels ». En créant, l’artiste aux mille talents aborde avec elles·eux autant les aspects intellectuels que structurels de la performance.
« Il y a des éléments des deux premiers spectacles [présentés au festival Lux Magna en 2019 et 2020] et de nouveaux. Ayibobo est une expression vaudou que les gens utilisent pour s’exclamer. Somme toute, la pièce est une allégorie, une toile vaudou sur laquelle on voit que, dans les cultures africaines ancestrales, la diversité sexuelle a toujours eu sa place. C’est quelque chose qui a été noyé par la colonisation et l’endoctrinement. »
Les quatre performeurs et performeuses – Syana O.Barbara, Chris O.Barbara, Rony F. Campbell et Kim M.Sanfoka – ont donc été appelé·e.s à lire au sujet des esprits vaudous pour en discuter avec Elle Barbara.
« On a créé ainsi un numéro théâtral ou dansé selon la compréhension commune qu’on a de la loi vaudou en question. J’ai établi un arc dramatique en basé sur des expériences personnelles ou contemporaines en lien avec les spécificité queer, trans et afro-descendantes. »
Ni fantasme ni fantastique
Il ne s’agit pas pour autant de séances vaudous, loin de là. Même si le spectacle décolle de la réalité, on ne trouvera pas dans Ayibobo ni fantasme ni fantastique.
« Le vaudou est un prétexte. On utilise des histoires très anciennes pour se ramener au présent. Ça comprend, par exemple, des clips audio faisant référence à la culture populaire contemporaine. À travers tous ces axes, j’ai trouvé des façons de présenter quelques idées. Syana, par exemple, joue le rôle de la sirène, qui occupe une place importante dans le vaudou, et je l’ai utilisée pour aborder la question de la transidentité. Dans le conte, la sirène délaisse une partie de ses fonctions physiques pour en obtenir d’autres, ce qui comporte toujours son lot de problèmes. »
Diversité assumée, la musique sera aussi très variée : This Mortal Coil, Bach, The Prodigy, rythmes dominicains et haitiens, Prokoviev…
« Les personnages ne parlent pas pendant le spectacle. Tout le récit, sans s’inscrire dans une logique chronologique, intègre des éléments de la culture populaire pour former une sorte de méta-commentaire. »

Fusionner
Elle Barbara milite pour faire éclater les plafonds de verre, repousser les frontières autant dans les corps que les esprits, fondre le populaire et l’intellectuel dans une nouvelle expression artistique.
« Ce spectacle est très personnel. Dans toutes les disciplines que j’aborde – performance, théâtre, musique – je fais fi des des conventions. Je fais ce qui me plait avec mon propre bagage et les expériences que je possède. Je n’essaie pas de respecter des codes en particulier. Je laisse les experts dire de ce que c’est, mais moi, je fais à ma tête. »
Les étiquettes, les catégories, les simplifications, les préjugés ou idées préconçues. Out!
« J’étais beaucoup dans l’underground, dit-elle, et je faisais avec les moyens du bord. On me disait, on te prête la salle et on te donne tant, alors je faisais avec. Je ne viens pas d’une structure conventionnelle, voilà tout. »
Elle Barbara est aussi maître ès Ballroom en plus d’enseigner aux jeunes. Elle avoue posséder un côté rebelle, voire punk, mais elle essaie surtout de créer des projets artistiques inclusifs.
« Je fonctionne également dans une perspective de pérennité pour assurer mon développement personnel et professionnel. Pour moi et pour les jeunes. »

Ayibobo™ III: Little Dollhouse on the Prairie est présenté du 11 au 18 septembre au Théâtre La Chapelle.