THÉÂTRE : Platonov redux

Platonov amour haine et angles morts, photos: Vivien Gaumand

Le retour de Platonov amour haine et angles morts à la scène est le cadeau de théâtre parfait en ce temps-ci de l’année. Hors commerce, ajouterons-nous. Il s’agit sans aucun doute d’une des meilleurs spectacles présentés au cours des cinq dernières années à Montréal. Et cette version adaptée par Michel Tremblay ajoute des effets comiques à une mise scène baroque de Angela Konrad avec des interprètes qui possèdent leur personnage à la perfection. Ah Tchekhov, que d’inspiration inspirée en ton nom!

S’agit-il d’un plagiat si un critique reprend ici un condensé de ce qu’il ou un autre, qui sait, avait écrit il y a trois ans jour pour jour à propos du même spectacle. Peut-être n’est-ce là qu’une illusion optique ou le fruit du hasard ? Peut-être s’agit-il d’un journaliste du même nom qui travaillait pour une autre publication ? Peut-être encore le temps s’est-il arrêté et qu’il existe un jour de la marmotte au théâtre?

Peu importe. Angela Konrad reprend ce grand spectacle avec la même verve et le même regard sur une humanité en perdition, la même recension critique peut et doit encore s’y appliquer. En bref donc et à peine modifié au cas où un critique pourrait traîner en injustice un de ses collègues:

 » Angela Konrad a condensé un texte empreint d’existentialisme désespéré, voire de nihilisme, en une matière organique et protéiforme. Un théâtre où tout peut advenir […] dans une spectaculaire embardée scénique. Au centre de ce magma volcanique, les comédiens Violette Chauveau, Samuël Côté, Pascale Drevillon, Renaud Lacelle-Bourdon, Debbie Lynch-White, Marie-Laurence Moreau, Diane Ouimet et Olivier Turcotte se surpassent. […] un monde inquiet et inquiétant, suspendu dans le vide, superbement habillé par la conception lumière de Cédric Delorme-Bouchard et son pendant sonore de Simon Gauthier. »

Et encore. Ces « deux » scribes ont vraisemblablement adoré le spectacle ;

« C’est baroque, même heavy métal par moments. Ça grince des dents, ça crie et ça rampe. Ce groupe de malheureux cloportes, mal aimés malaisants, est aussi loufoque que pathétique. […] Platonov crève de son incapacité à choisir entre le corps et l’esprit, ses désirs et son intelligence. Sa pensée en spirale entraîne les autres dans la sauvagerie. C’est un monstre, certes, mais aussi une bête affamée, noble parfois. […] En dehors des joies risibles et des peines d’amour, des frénésies passagères et des accouplements mécaniques, dehors, il n’y a rien, c’est la mort. Pourquoi exister? demandera un personnage. »

Mais pour fumer une clope à quelques mètres de la scène, de répondre Angela Konrad qui tourne ainsi en dérision un jugement récent de tribunal empreint de fumisterie. Et la metteuse en scène d’utiliser judicieusement la langue de Tremblay pour créer l’effet comique ou absurde recherché tout au long de la représentation. Le spectacle n’en est que plus percutant et, disons-le, jouissif.

Du théâtre pour aujourd’hui. Pour cette fin du monde que l’on respire dans l’air vicié des actualités, des polichinelles politiques et des gueulards de toutes sortes de gueules. « On ne peut plus rien dire » ! Ce spectacle dit tout. C’est du théâtre!


Platonov amour haine et angles morts est présenté au Théâtre Prospero jusqu’au 11 décembre