Mykalle Bielinski en a marre de la croissance économique à tout prix. Et nous comme elle. Son spectacle Warm Up est un appel à la décroissance. La comédienne, musicienne et autrice ne manque pas de ressources pour nous éveiller à la cause de l’épuisement des… ressources. Qui aime la planète la suive.
C’est du théâtre engagé, pour ne pas dire militant, et conceptuel que nous propose Mykalle Bielinski avec Warm Up. Sur sa bicyclette rattachée à un système électrique, la comédienne-musicienne-autrice produit de l’énergie tout en nous entretenant de croissance économique et de réchauffement climatique. Son propre (r)échauffement se veut une métaphore sur la productivité, sur le poids que représente cette obligation de résultats.
« Pour générer suffisamment d’électricité pour faire fonctionner le haut-parleur et un projecteur, faire de la musique et chanter, je dois pédaler et refaire du vélo à chaque fois pour une autre chanson. Je dépense beaucoup d’énergie pour produire une œuvre. Je fais des allers retours jusqu’à ce que je doive changer de système parce que, évidemment, ça ne peut pas fonctionner comme ça. »
La créatrice multidisciplinaire n’est pas cycliste dans la vie de tous les jours et n’a pas suivi d’entraînement spécifique pour se préparer au spectacle.

Performance
« C’est très performatif comme expérience. Je m’adresse au public pour leur livrer une parole militante. C’est moi, Mykalle, en scène qui chante des textes sacrés. »
Spécialités de l’artiste, la musique et le texte continuent donc d’être à l’avant-scène dans Warm Up. Mykalle Bielinski a publié cette année un premier recueil de poésie aux Éditions du passage, adapté des chansons de ses spectacles précédents Gloria et Mythe, des textes où la spiritualité est très présente.
« C’est toute la question aussi de notre rapport à la nature. Je voulais essayer de faire un spectacle carboneutre, mais c’est impossible. Je crois qu’il faut cesser de voir la nature uniquement comme une ressource. Il faut se réinvestir dans un rapport davantage respectueux. Moins dans l’exploitation en tout cas. »
Mythe(s)
Plutôt que le sacré dont elle parlait dans le très beau spectacle Mythe, Mykalle Bielenski s’intéresse ici à la sacro-sainte religion de la croissance à tout prix.
« J’ai commencé à me renseigner sur ces questions avec le projet controversé d’Énergie Est [un oléoduc abandonné qui devait acheminer le pétrole de l’Alberta jusqu’au Québec en passant sous le fleuve Saint-Laurent]. J’étais scandalisée et terrifiée par ces grandes compagnies qui veulent réaliser des projets très dangereux. J’ai commencé à suivre plusieurs regroupements citoyens qui ont réussi à arrêter de grands projets d’exploitation comme celui-là. Ma fibre militante cherche à s’incarner dans Warm Up. »
L’unité et l’interconnexion avec tout ce qui est vivant ont mené à la réalisation de son projet, confie-t-elle. D’ailleurs, l’artiste a de la difficulté à participer à d’autres créations sans qu’elle se pose et qu’elle pose des questions au sujet de l’empreinte écologique des dits spectacles.
« Il y a déjà un grande réflexion dans le milieu culturel au sujet de l’environnement. Par exemple, on se demande s’il est nécessaire de faire des tournées et, donc, de prendre l’avion. Il y a aussi une compagnie maintenant qui fabrique des décors écoresponsables. Mais on ne peut y arriver tout seul comme individu, ce sont des choix de société qu’il faut faire pour réaliser les changements nécessaires. »
« C’est pour ça que je voulais faire un spectacle qui soit viscéral pour dépasser ce qu’on ressent comme étant de l’impuissance face aux questions environnementales. Les artistes, nous travaillons le sensible, alors je voulais rendre sensible des questions-là. Je le fais en pédalant pour faire penser à la surchauffe de la planète. »

Warm Up est présenté au Théâtre La Chapelle du 13 au 17 décembre