THÉÂTRE : Julie & Julia

Julie Vincent, photo: Monique Leblanc


Julie Vincent propose son travail le plus personnel avec La chair de Julia, un solo présenté dans une salle méconnue du Plateau, le Théâtre de l’Esquisse. L’artiste au long cours oeuvre toujours sans filet et avec la même passion dans cette quête éclatée de l’intime.

Pendant 12 ans conseillère artistique à l’École de cirque, Julie Vincent a été marquée par la concentration et la précision des jeunes circassiens et circassiennes. Ce constat l’a aidé à préparer son spectacle solo La chair de Julia, une exploration de sa propre vie. Sa longue carrière ne l’empêche pas d’épropuver de la fébrilité et un certain stress à quelques jours de cette aventure particulière.

« Ma mère disait qu’il y avait beaucoup de stress dans un bouton de fleur avant d’éclore. J’en suis là. J’ai aussi appris des jongleurs de cirque qu’il est important de ne pas échapper de balles durant une représentation, moi ce sont les mots. »

Concentration, travail, résilience. Ce processus lui a permis de présenter des spectacles singuliers tels La Mondiola et Valparaiso dans les dernières années C’est encore plus vrai quand on parle de soi seule sur scène. Elle expose autant de blessures que de joies dans ce « conte intimiste » qui raconte l’histoire d’une artiste née au milieu des années 50. Une femme qui se fait, se défait et se refait.

« Dans ma partition, on trouve les deux, blessures et joies. S’ouvrir et partager un récit, c’est, en ce moment pour moi, partager une certaine jouissance. Je me suis beaucoup inspirée, au départ, de deux autrices de BD, Catherine Meurisse auparavant à Charlie Hebdo qui a écrit La légèreté et de Léonie Bischoff qui a écrit sur Anaïs Nin. Elles m’ont apportée cette légèreté dans la création. Je raconte des choses que je n’ai pas pu exprimées auparavant, mais j’ai énormément cherché de la fantaisie avec les concepteurs. »

Julie Vincent, photo: Camille Tellier

Si Julie Vincent a écrit et jouera cette pièce éminemment personnelle, elle a oeuvré en co-mise en scène avec Philippe Soldevila. Ce dernier lui avait d’abord conseillé de transposer au théâtre de courts récits qu’elle a écrits sur sa page Facebook depuis 2014. Même si ce projet n’a pas abouti, le germe de l’autofiction était planté dans sa tête.

« C’est là que j’ai commencé à fixer la base de mon travail, c’est-à-dire comment une femme peut se construire comme artiste en évitant les obstacles provoqués par le choc du patriarcat. J’y ai trouvé des histoires drôles souvent, quelque part entre la fertilité et la mort. J’imaginais déjà à ce moment-là des marionnettes. »

Sur scène avec elle, Paola Huitron manipule des marionnettes que l’artiste mexicaine a confectionnées elle-même. Ce qui fait dire à l’autrice et comédienne qu’il s’agit que ce spectacle résulte d’une création collective. La pièce, précise-t-elle, s’est bâtie en écriture de plateau.

« Il y a beaucoup de personnages dans la pièce. J’en joue plusieurs et d’autres sont évoqués. Paola est une grande marionnettiste qui a une expérience autant dans le tyle traditionnel que contemporain. J’ai pu compter aussi sur Michel Smith, le grand compositeur, à la musique. Tous et toutes ont embrassé la pièce. La création collective c’est difficile parfois, mais on a privilégié, comme artistes, l’accouchement. Je veux dire aussi que la pandémie a eu des conséquences désastreuses pour les concepteurs de théâtre. »

Elle souligne également l’apport de Paul lefebvre comme conseiller dramaturgique. Ses propres lectures l’ont également inspirée : Roberto Bolagno, Julio Cortazar, Jorge Luis Borges Bertolt Brecht en plsu des films de Federico Fellini. En musique, l’écoute du tango et du rock des années 60 ainsi que de compositeurs comme Nino Rota, Saint-Saëns et Debussy ont influencé les créateurs et créatrices.

« Cortazar disait que le hasard c’est la fortune des déshérités. Je suis partie de la maison à l’âge de 16 ans avec rien, mais j’étais une grand lectrice. J’ai cherché le hasard constructif. Cela a aidé à la construction de ma route. J’en parle dans la pièce. Ce qui nous rapproche aussi de Fellini dont je m’ennuie comme créateur. Il m’a marqué autant que mes traumas profonds. La place du hasard est importante parce qu’on vit à une époque où tout nous est imposé. »

La chair de Julia est présentée au Théâtre de l’Esquisse du 7 au 31 mai. Infos et billets: https://lepointdevente.com/billets/chairdejulia