OFFTA : Le deuil à venir

Quelqu’une, photo: Éva-Maude TC

Du 26 mai au 5 juin, le 16e OFFTA présente ses nouveaux espaces de création et d’exploration, des laboratoires qui deviendront les spectacles de demain. C’est l’occasion pour le public d’exercer son oeil fouineur avec ce plaisir toujours renouvelé de la découverte. Dans cet esprit, Camille Paré-Poirier présente Quelqu’une en tentant de raconter une mort ordinaire, celle d’une proche.

Quelqu’une est un work in progress de théâtre documentaire créé par la poète et comédienne Camille Paré-Poirier. La pièce raconte les derniers moments de la grand-mère de l’artiste. Elles ont, ensemble, apprivoisé le deuil à venir sur une période de quatre ans, juste avant le début de la pandémie.

En scène, la comédienne se sert des enregistrements sonores réalisés avant le décès de sa grand-mère pour parler de vieillissement, de maladie et de la fin de vie. Camille Paré-Poirier avait déjà créé un balado, Quelqu’une d’immortelle (https://podcasts.apple.com/ca/podcast/quelquune-dimmortelle/id1599742009), avec le même matériel.

Camille Paré-Poirier, photo: Éva-Maude TC

« À la base, c’était un projet de théâtre documentaire, explique-t-elle. En raison de la pandémie, je l’ai adapté en balado puisque j’avais du matériel audio. C’était comme un détour, mais je reviens à la base théâtrale maintenant. C’est une première étape de travail en vue de la présentation de la pièce complète l’an prochain au CTDA sous le titre Je viendrai moins souvent. »

La matériel accumulé pendant quatre ans comprend des photos et vidéos ainsi que des enregistrements sonores, mais Quelqu’une ne comprend que de l’audio. Le spectacle inclut d’ailleurs la présence sur scène de la conceptrice sonore Marie-Frédérique Gravel.

« Le son c’est mon premier matériau et le plus original. Ma grand-mère est décédée pendant le processus de cration l’an dernier. La bande sonore repésente, pour moi, une façon de personnifier l’absence sur scène, comme une sorte de présence invisible en abordant la notion de deuil. Ma grand-mère est un personnage invisible avec moi dans le spectacle. »

Camille Paré-Poirier travaille beaucoup en autofiction. Elle dit se sentir inspirée par la vie réelle. La sienne l’a amnenée à faire l’apprentissage de la maladie et de la mort assez tôt puisqu’elle a été victime d’une tumeur à la moelle épinière à l’adolescence, ce dont elle s’inspire dans son premier recueil de poésie, Dis merci, publié par les Éditions de Ta Mère.

D’ailleurs, sa mère est très présente dans le livre, comme sa grand-mère dans sa pièce. La filiation et la transmission de l’expérience des femmes sont des valeurs auxquelles elle tient au-delà de la maladie et de la mort.

« Ce ne sont pas des sujets qui me font peur. L’environnement hospitalier, par exemple, ne m’effraie pas. Mon adolescence n’a pas été une belle expérience, mais c’est vrai que je me sens en sécurité dans un hôpital ou dans un CHSLD. »

Démarche intime

La démarche de Camille Paré-Poirier se veut plus intime, voire individuelle, que celle adoptée par François Grisé dans Tout inclus qui, quoique basé sur des événements personnels, trace un portrait plus large de la vie en CHSLD.

« Je parle davantage de la transformtaion d’une relation avec quelqu’un dont j’étais très proche. Ma grand-mère s’occupait de moi quand j’étais enfant, alors que durant les dernières années c’est moi qui ai pris soin d’elle sans pudeur. Je traite plus du vieillissement et de la peur face à la mort dans la pièce. »

Quelqu’une est une invitation à réfléchir philosophiquement aux questions du vieillissement, de la maladie et de la mort. Dans la bande-annonce du spectacle, cette grand-mère particulière parle notamment du bonheur parmi les enregistrements réalisés par sa petie-fille, entre autres celui de penser et d’écrire.

« C’était une femme très résiliente qui aimait les mots, le dialogue. C’est ce que je vais explorer dans la forme théâtrale. Chez les personnes âgées qui perdent de la mobilité, la parole devient une activité privilégiée. Il y a des choses qu’elle m’a dites dans une grande vérité et une certaine poésie. Cela a été pour moi une leçon d’humilité. J’ai vécu des moments merveilleux avec ma grand-mère. J’ai envie que l’on considère la vieillesse comme une partie de la vie comme toutes les autres. »


Quelqu’une est présentée à l’Édifice Wilder en programme double avec Chambres (premier cylce) de Katia-Marie Germain les 29 et 30 mai.

Infos: offta.ca