
Larivière
Dans sa nouvelle salle hypermoderne et confortable, le Petit Théâtre du Nord présente cet été Changer de vie, une comédie douce amère de Catherine Léger. Le résultat est intéressant, quoique mitigé, mais le rire et la réflexion sont au rendez-vous.
La dramaturge Catherine Léger ( Baby-sitter, Voiture américaine, Princesses) excelle à créer des climats ambigus en racontant des histoires où le couple traditionnel, entre autres, en prend pour son rhume. Changer de vie ne fait pas exception. Sa nouvelle création donne matière à réfléchir à propos des sentiments avariés par la superficialité des réseaux dits sociaux et de leur influence délétère sur nos comportements et nos relations.
La vie d’un couple dans la quarantaine Nathalie et Christian (Mélanie Saint-Laurent et Ariel Ifergan) est bouleversée par l’arrivée en pleine nuit d’une jeune femme dépressive, Jasmine (Marilou Morin). Elle dit être une amie de Nathalie et souhaite trouver une oreille attentive chez celle qui garde « sa porte toujours ouverte ». Jasmine s’incruste quelques jours et un ami commun à elle et à Nathalie, Ricardo (Étienne Pilon), vient encore plus brouiller les cartes entre ces quatre personnages troubles.

Dans la mise en scène de Sébastien Gauthier, la pièce prend parfois des allures de vaudeville – c’est l’été après tout ! – quoiqu’elle laisse également place à une certaine analyse de moeurs. Le texte aborde plusieurs sujets – trop ? – dont ceux du couple face à la crise de la quarantaine, de l’addiction à internet, des sentiments déglingués, de la passion amoureuse, des relations superficielles, de la sexualité déconnectée à la fois de la raison et de la réalité, des amitiés improbables, de l’attraction physique, de l’ennui comme état constant de la psyché contemporaine.
Bref, Catherine Léger tire dans plusieurs directions sans qu’on arrive toujours à savoir où elle veut en venir exactement. Avouons du même coup que ce n’est pas à elle de trouver toutes les réponses à une époque tourmentée où les humains sont plus souvent qu’autrement dépassés par la technologie, les événements et, surtout, les relations… humaines!

Le jeu énergique des quatre interprètes sauve la mise bien souvent. Imaginez ce beau mélange comique : un producteur de film intello qui subit revers après échec, une jeune femme plutôt naïve et continuellement scotchée à son cellulaire, un pusher de drogue existentialiste et fragile, ainsi qu’une banquière fatiguée de sa routine et tentée par un changement de vie radical.
Tous les personnages souhaitent, en fait, voir leur destin transformé d’une façon ou d’une autre. Ils et elles ont beau essayer quelques recettes miracles, aucun.e n’y parvient vraiment puisque la peur les paralyse et leur façon de faire ne procède finalement que de malaises non identifiés, d’idées préconçues, voire de fantasmes. Ils et elles nous font rire, mais restent, dans le fond, un peu tristes à voir.
Bref, le théâtre de création en été c’est toujours à Boisbriand qu’on peut le trouver. Changer de vie a le grand mérite de nous faire apprécier notre propre existence, aussi imparfaite et insatisfaisante qu’elle puisse nous paraître par moments. Puis, à la sortie de la salle, curieusement, on n’est soudainement pas pressés de rallumer cet engin de divertissement illusoire qui tient dans la poche ou le sac à main et qui peut très bien y rester.

Changer de vie est présenté jusqu’au 27 août au Petit Théâtre du Nord.