THÉÂTRE : Retisser le fil d’Ariane

Gabriel Léger-Savard et Marilyn Daoust, photos: Julie Artacho

La fin d’un amour, la fin de tout amour. Ne vit-on pas à une triste époque où le mot qui rime avec toujours semble parfois évoquer une sorte de non-lieu. Le spectacle L du déluge de Gabriel Léger-Savard et de Marilyn Daoust explore cette idée en appelant au chevet de l’amour des mythes anciens et, qui sait, de nouveaux.

Il existe huit différents types d’amour selon les Grecs de l’Antiquité. De nos jours, l’amour de soi (Philautia) semble avoir pris le pas sur tous les autres, quoique l’érotisme (Eros), l’amour ludique (Ludus) et l’obsessionnel (Mania) occupent également beaucoup de place. Dans L du déluge, le personnage principal, Ariane, voit son amour affectueux (Philia) qu’elle croyait éternel (Pragma) disparaître de sa vie.

C’est l’histoire d’un amour perdu pour expliquer un monde en perdition. Un monde qui fait tout pour oublier, ne plus penser, et surtout, se protéger d’un éventuel autre amour.

« De nos jours, on est dans un entre-deux de l’histoire, un tournant, je crois. On a l’impression d’être à la fin de quelque chose et au début d’on ne sait trop quoi encore. Il y a de l’incertitude, de l’amertume, de la peur, comme lorsque se termine une histoire amoureuse », note Gabriel Léger-Savard.

Le dramaturge et interprète décrit le « L » du déluge, dans le titre, de diverses façons. Il s’agit à la fois de la lettre au milieu du mot, un déluge de pluie aussi ainsi que de pleurs qui suivent l’échec amoureux. Le « L » évoque enfin un angle de 90 degrés, un changement de direction, donc, dans une épopée des cœurs brisés.

Poussée par un chœur de 11 interprètes, le personnage d’Ariane se dirige peu à peu vers une reconstruction de l’intime et du collectif, réagissant au désœuvrement et au désamour. Telle une Noé moderne sur son arche, elle affronte le déluge pour renaître sous une autre forme.

« Le texte est venu en premier, confirme l’auteur. Je voulais parler de la rupture et du déchirement en les rattachant aux mythes. Je crois qu’on se doit comme créateurs de tenter de créer de nouvelles mythologies pour notre époque. »

Avec cette vision des choses, on ne sera pas surpris d’apprendre que Gabriel Léger Savard a déjà vécu de multiples expériences théâtrales : travail corporel, chœur, objets, ombres, écriture, mise en scène, radio, podcast, télévision, publicité et théâtre de rue. Travaillant surtout comme interprète depuis dix ans, il en est à sa deuxième collaboration, après Le temps des fruits, avec la chorégraphe et danseuse Marilyn Daoust.

 » Quand on s’est rencontrés, on a tout de suite connecté sur ce qu’on voulait faire ensemble, dit celle-ci. Le texte de L du déluge m’a interpellé. J’ai vu toutes les possibilités que cela ouvrait pour la danse. C’est très inspirant. »

Marilyn Daoust

Marilyn Daoust a commencé sa carrière il y a une dizaine d’années également. Comme chorégraphe, elle a travaillé au théâtre avec des metteurs.teuses en scène comme Angela Konrad, Florent Siaud et Nini Bélanger. Elle est actuellement en création de la pièce installative Material Relations avec l’artiste danoise Anna Stamp Møller.

Ici, performance, chant et musique, théâtre et danse composent cette oeuvre interdisciplinaire qui occupe 12 interprètes à différents niveaux : Leila Donabelle Kaze, Rasili Botz, Claudia Chan Tak, Laura Côté-Bilodeau, Sarah Desjeunes Rico, Simon Fournier, Charbel Hachem, Karina Iraola, Marie-Pier Labrecque, Janie Lapierre, Gabrielle Poulin et Mireille Métellus, « qui bouge très bien » souligne la chorégraphe.

Gabrielle Léger-Savard décrit une « scénographie assez dépouillée », qui ne cherchera pas à démultiplier le sens d’un texte assez complexe. « N’empêche qu’il s’agit d’une « assez grosse production pour nous, il y a beaucoup de travail derrière tout ça », complète Marilyn Daoust.

Retisser le fil d’Ariane à une époque cynique comme la nôtre demande, certes, du courage et de la vision. Mythifier sans mystifier, aussi. Le naturalisme et le réalisme ont beaucoup occupé nos scènes depuis la montée en force du théâtre documentaire.

Peut-être que l’on peut enfin commencer à rêver mieux.


L du déluge est présenté au Théâtre La Chapelle du 28 novembre au 6 décembre.