
Pour des raisons pandémiques, les spectacles internationaux ont moins voyagé depuis trois ans. La pièce Moby Dick de Plexus Polaire, rareté importée ici par Casteliers, est une véritable merveille. Du théâtre de marionnettes aussi grandiose dans la forme que dans la substance. Ce soir seulement au théâtre Outremont!
Tout le monde connaît les grandes lignes du roman d’Herman Melville, Moby Dick. Un jeune homme désœuvré, Ismaël, s’embarque sur un baleinier dirigé par un capitaine fou, Achab, qui cherche à se venger d’une baleine blanche qui lui a arraché une jambe autrefois. La poursuite de cette chimère entraînera la perte du bateau et de son équipage, sauf le brave Ismaël, narrateur de cette histoire hors du commun.
Certain.es se rappelleront le magnifique film de 1956 de John Huston, d’autres auront en tête la spectaculaire interprétation du personnage d’Achab, par Normand D’amour, dans la mise en scène de Dominic Champagne en 2015. Sans mentionner toutes les autres adaptations de ce récit prophétique à fortes connotations bibliques qui ont eu lieu pendant les siècles et les siècles…
Il faut donc oser le jamais vu quand on s’attaque à ce classique de la littérature américaine. C’est ce que réalise magistralement la troupe franco-norvégienne Plexus polaire dans un spectacle naviguant avec des marionnettes hyperréalistes dans un magnifique écrin fait de projections vidéo de haut calibre, musiciens en direct, lumières et scénographie ahurissantes. Qui plus est, les marionnettistes sont tous et toutes d’excellents acteurs faisant en sorte qu’il est parfois difficile de différencier de quoi, chair ou tissu, sont composés les personnages devant nous.

Dans ce Moby Dick, on retrouve des thématiques toujours pertinentes à notre époque : la force inébranlable de la nature, l’écho de conditions socioéconomiques poussant certains à risquer leur vie pour quelques deniers, les fantasmes et les obsessions, la folie humaine à son comble, la perte de l’innocence, la peur des hommes devant ce qui les dépasse, la solitude, la colère et l’esprit de vengeance délétères.
Rien n’est souligné au crayon gras, laissant à chaque membre de l’assistance y repêcher ce qui le touche ou le fait réfléchir davantage. Ce Moby Dick représente une épopée vertigineuse qui nous surprend et nous laisse pantois. La mort y est omniprésente et ce n’est pas la baleine qui la symbolise, sinon le cœur et l’âme de désespérés tout ce qu’il y a de plus humains.
Ce spectacle total mis en scène par Yngvild Aspeli nous rappelle que la petitesse de l’homme ne pourra jamais vaincre la vie autre qu’humaine sur une planète qui a vu pleuvoir, qui a vu neiger, qui a vu la foudre et le feu. Une planète aux deux tiers couverte d’eau qui engloutira encore et toujours les naufragés égocentriques que nous sommes.
Moby Dick est présenté le 2 décembre au théâtre Outremont et du 13 au 16 décembre au Harbourfront Centre Theatre à Toronto.