DANSE : Danse cathartique

Les jolies choses, photos : Mathieu Doyon

Catherine Gaudet vient de remporter le Grand Prix de la danse 2022 pour l’ensemble de son travail, mais sa plus création offerte au FTA en 2022, Les jolies choses, représente aussi un sommet en son genre. Cette pièce exigeante va du plaisir de gestes simples jusqu’au sentiment de plénitude dans le dépassement de soi. Un grand moment chorégraphique.

Partant de quatre mouvements de base avec ses cinq interprètes, la chorégraphe Catherine Gaudet crée avec Les jolies choses un spectacle enlevant des plus cathartiques. Personne dans l’auditoire ne peut rester impassible devant le rythme et l’énergie de la troupe ainsi qu’en présence du crescendo imparable de la pièce. Voici une quête d’absolu passant par la radicalité.

Catherine Gaudet, photo: Julie Artacho

 » La première partie dure 17 minutes et a été réalisée au retour du confinement, explique la chorégraphe qui fêtera l’an prochain ses 20 ans de carrière. Nous étions un peu exaltés. On sentait que chaque geste posé était précieux et important, comme si chacun des mouvements avait le potentiel de changer le monde. On trippait fort, j’avoue. »

Les gestes répétés au début de la prestation ont comme objectif de renouveler le présent. Pour ces artistes, les redécouvertes du corps et de la pratique chorégraphique affichent dans ce cas un je-ne-sais-quoi de méditatif au début du spectacle.

 » En studio, j’avais envie de quelque chose de très minimaliste. Chaque petit mouvement devait avoir sa raison d’être. On a construit tout le reste de la pièce autour de quatre gestes qui ont formé notre vocabulaire. »

Clin d’œil et grimaces

En répétitions, il est apparu que ce vocabulaire pouvait représenter une sorte de clin d’oeil, voire de grimace, lancée à la face de la danse contemporaine de la part de la chorégraphe et des danseurs et danseuses Francis Ducharme, Caroline Gravel, Leïla Mailly, James Phillips et Scott McCabe.

« C’est un peu moqueur. Ce n’est pas l’intention des interprètes, mais on y voit des codes faisant partie d’une esthétique de danse moderne quelque peu vieillotte. On riait beaucoup de nous et de ça entre nous. Dans les premières minutes, on entend d’ailleurs quelques soupirs de la part du public qui doit penser avoir vu ces gestes souvent. On le prend au piège par rapport à ce qui va suivre. »

La suite de la pièce prend une allure plus rigoureuse et encadrée. Les codes mathématiques ont ainsi guidé Catherine Gaudet. La musique répétitive d’Antoine Berthiaume aussi, faisant penser au style du grand Philip Glass.

« Ce n’est pas opposé au minimalisme du début. Ça ressemble à une formule secrète, magique, pouvant faire apparaître l’indicible. Je suis devenue un peu obsédée par cette idée d’une forme mathématique qui n’existe pas réellement. J’y ai ajouté de plus en plus de couches de complexité dans le corps des interprètes. On passe d’un début plus onirique à une finale excessivement exigeante dans les figures et la vélocité. »

Une véritable quadrature du cercle pivotante se met alors en place, une machine physique où les corps ne font plus qu’un en se donnant entièrement à la logique « infernale » de la représentation. Les jolies choses propose un forme finale d’une grande précision, un ensemble synchronisé, entraînant et énergisant.

« On l’a découvert en entrant en salle. Les danseurs et danseuses sont forcés de compter pour ne pas se perdre dans la partition. L’énergie passe par cet état des interprètes qui sont en mission pour accomplir ce mandat impossible. Ils et elles doivent se reposer sur les un.es et les autres pour y arriver. C’est comme un match sportif où un effort solidaire est fourni pour réussir. Le public devient empathique devant leurs efforts. Pour moi, c’est comme une quête spirituelle, une discipline qui nous amène à un autre état de conscience avec ses espaces de liberté et de folie. »

Les mondes parallèles

Du 17 au 20 mai à l’Agora de la danse, Catherine Gaudet dirigera Louise Bédard et Sarah Williams dans le duo Les mondes parallèles.

« J’ai aussi intitié le travail de façon minimaliste, mais sans la rigueur dans la forme. Les intentions personnelles des danseuses prennent plus de place. Je crois renouer, avec cette pièce, avec des états de corps plus performatifs et théâtraux, comme à mes débuts. »

La quadrature du cercle, disions-nous.


Les jolies choses est présenté à L’Agora de la danse du 1er au 3 mars