
Le 22e Festival du Jamais Lu présente jusqu’à demain soir 24 projets d’auteurs et d’autrices d’ici et d’ailleurs qui déambulent entre joie fébrile et lucidité de circonstance. Le spectacle d’ouverture ainsi que les lectures de Nicolas Gendron et de Bibish Marie Louise Mumbu ont certes démontré la pertinence de l’événement de cette année.
N’ayons pas peur des mots, le festival du Jamais Lu présente des premières mondiales depuis ses débuts. Certains textes du volet international ont pu être présentés ailleurs sur la planète, d’autres dans d’autres versions préiliminaires, mais la majorité de ce qui est lu est aussi entendu l’est pour la première fois.
Grâce au travail de la cellule artistique composée de Marcelle Dubois, Gabrielle lessard et Jade Barshee, le 22e événement du genre ose toujours creuser et innover en parlant haut et fort.
L’exemple probant de cette ouverture à tous les vents en est le spectacle d’ouverture Tiohtià:Ké : Cartographie de récits autochtones qui nous a ouvert les yeux et les oreilles sur la parole de six auteurs et autrices issus des Premières nations : Nahka Bertrand, Moira Uashteskun Bacon, Jess Beauvais, Kathia Rock, Jocelyn Sioui et Roger Wylde.
Certain.es sont présent.es sur scène pour livrer les récits du présent et du passé. Une dizaine de moments historiques sur la naissance de Tiohtià:Ké / Montréal qui viennent démontrer que l’île était habitée au moment de l’arrivée des Blancs n’en déplaisent à certains « historiens » nationalistes identitaires.
Intercalés entre ces rappels importants, les textes inédits du spectacle tissent une trame intéressante entre vies individuelles et collectives, entre ce qui a été et ce qui devra être afin que la décolonisation du territoire et des mentalités se poursuivent.
En ce sens, les extraits de la pièce (Re)connection de Jess Beauvais, qui ont été lus en anglais, nous ont fait entendre une nouvelle voix intéressante et décomplexée faisant appel à la pensée pertinente d’une grand-mère sur le chemin du pardon à emprunter pour refaire les ponts entre les nations.
Nicolas Gendron

Cette année, des « chambres de défoulement » ont été organisées pour permettre à des artistes comme Annick Lefebvre, Lesly Velasquez et Nicolas Gendron de s’exposer et de lancer quelques idées après trois ans de crise pandémique.
Avec Break a Legs – bonne chance en français, mais avec un « s » puisque le texte aborde la question du legs, soit de la transmission -, Nicolas Gendron parle de ceux et celles qui ont le plus souffert de la pandémie, les personnes âgées. Il aborde les relations qu’il entretient ou entretenais avec certain.es d’entre elleux avec toute la bienveillance qu’on lui connaît.
Le comédien le fait habilement en décochant quelques flèches politiques bien senties. Dans le petit espace réservé à cette chambre de défoulement, il fait également participer le public en nous invitant à revoir nos façons de faire et de considérer le troisième âge et, surtout, leur apport inestimable à la réflexion nécessaire dans cette nouvelle étape de l’histoire de l’humanité.
Blue Band et mojito

Bibish Marie Louise Mumbu, une habituée du Jamais Lu, rend hommage à sa mère disparue avec sa lecture théâtralisée, Blue Band et mojito, accompagnée par de la musique en direct. Ce décès, explique-t-elle, lui a fait penser à sa propre vie, à ses succès et à ses échecs amoureux notamment.
Dans une belle mise en lecture d’Emmanuelle Jimenez, la représentation se pose en enterrement de vie de jeune fille, mais c’est surtout un hommage à la force de caractère des femmes qui traînent le monde sur les épaules depuis la nuit des temps et qui font en sorte que la planète reste toujours vivante, voire vibrante.
Au passage, la dramaturge règle quelques comptes avec son passé et son cheminement intellectuel l’amène à conclure qu’elle est, magnifique et persévérante, devenu sa mère. Forte des conseils et des croyances de celle qui lui a montré le chemin à emprunter, malgré les obstacles et les pas de côté.
Marcher droit et en éprouver du plaisir en évoquant, entre autres la culture congolaise, de sa cuisine à sa musique, nous montre que Bibish Marie Louise Mumbu apporte un aspect coloré et luxuriant à la dramaturgie québéxoise contemporaine.
Programmation: jamaislu.com