FTA : Un(e) président(e) et des ministres non élus au Québec!?!

Fruit d’une initiative fort bienvenue, porté par une activité citoyenne sans précédent, le projet Constituons! de Christian Lapointe est un animal politico-théâtral à deux têtes qui ne s’entendent pas toujours bien ensemble. Pourtant, le résultat final, le texte de cette Constitution citoyenne du Québec, écrit par une quarantaine de Québécois, représente une véritable avancée politique qui impose le respect, voire l’admiration.

Constituons!, photo: Alexis Chartrand

Théâtre documentaire, pièce engagée, mais non partisane, immense chantier citoyen qui a mis le temps et le sérieux nécessaires dans l’élaboration d’une constitution citoyenne, Constituons!, c’est tout ça à la fois.

Saluons d’entrée de jeu l’idée généreuse et le courage de l’homme de théâtre Christian Lapointe de s’y être donné corps et âme. Considéré comme une « distraction » par les politiciens, dixit Justin Trudeau, la « constitution » a fait l’objet d’une conversation de près d’un an entre le metteur en scène et les Québécois pour se rendre compte que ce projet de restait une idée, malgré tout, très rassembleuse.

Comme les débats sur l’immigration, l’identité et la vie en société tournent en rond depuis trop longtemps au Québec, un artiste va donc de l’avant, contre vents et marées, pour repartir sur de nouvelles bases politiques. Il en résulte un texte étonnant, sans complexe, mais d’une rigueur et d’un sérieux à toute épreuve, préparé en collaboration avec l’Institut du nouveau monde.

Cette constitution citoyenne propose des droits et devoirs fondamentaux mettant l’emphase sur la reconnaissance des peuples autochtones, l’importance de la langue française, de l’environnement, de l’accès à l’information et à internet, de l’égalité entre toutes les personnes habitant le Québec en échange d’une participation active à la vie citoyenne et politique.

En 15 chapitres, la constitution citoyenne rédigée par une quarantaine de participants représentatifs de toute la population propose, notamment et tenez-vous bien, l’élection d’un Président du Québec au suffrage universel de de députés selon le principe de proportionnalité. En outre, les ministres seraient nommés par décret présidentiel à la suite de recommandations de l’Assemblée nationale, dont les députés ne seraient toutefois pas « ministrables ».

Déposé d’ailleurs au parlement québécois cette semaine, le texte définit aussi un processus de nomination des juges, la création d’une Cour constitutionnelle, le cadre des pouvoirs dévolus aux régions, municipalités et nations autochtones dans ce nouvel état « plurinational ». En ce qui a trait au Canada, il est écrit que le Québec ne concéderait « aucune compétence autre que celles négociées d’égal à égal dans un véritable contexte confédératif ».

Sur la question si controversée de la laïcité, le texte reste cependant très prudent et évite, surtout, d’entrer dans les détails : « Chaque personne a le droit d’exercer librement sa propre religion, dans le respect de la laïcité de l’État ».

Spectacle

Constituons!, photo: Valérie Remise

Sur scène, Constituons! représentait un tout autre défi, à moitié réussi, pour Christian Lapointe. En effet, comment peut-on imaginer bien rendre ce sujet si fondamentalement politique en une pièce de théâtre si documentaire qu’elle soit?

Divisé en trois parties, le spectacle s’étire dans la première à documenter le travail colossal de deux ans qui a permis d’en arriver aux résultats que l’on sait. À notre humble avis, l’artiste cherche trop à vouloir démontrer, hors de tout doute raisonnable, toute la rigueur éthique de l’exercice. Il s’anime enfin lors de la présentation personnelle et passionnée qu’il fait de la quarantaine de participants au projet.

La théâtralité explose dans la deuxième partie avec beaucoup d’autodérision, un quiz amusant incluant la participation du public dans la salle et une longue énumération de messages de réactions au projet qui, encore par souci de transparence fort louable, fait penser qu’un tel exercice ne se fait jamais sans heurt et dans l’unanimité.

En troisième partie, l’excellente idée de faire lire le texte de la constitution citoyenne par des volontaires de la salle nous amène à conclure que Christian Lapointe aurait sans doute bénéficier de l’apport sur scène d’un autre « entité/personnage », une sorte d’objecteur de conscience qui lui aurait permis de se distancier du long processus de réflexion et création autour du projet.

Reste qu’il s’agit, de la part de ce créateur hors-norme, d’un apport démocratique exceptionnel à un débat dont absolument personne, à part des citoyens enthousiastes justement, ne semblent vouloir entendre parler. En tout cas, ni les politiciens ni les médias traditionnels qui ridiculisent l’idée même de cette question la plupart du temps.

À l’encontre du cynisme apparent entourant la vie politique et citoyenne, Christian Lapointe donne la parole aux Québécois, oui au vrai monde!, dont se targuent de représenter quotidiennement trop de chroniqueurs et de populistes superficiels. Qui d’entre eux, maintenant, osera parler de cette Constitution citoyenne du Québec? Qui?

Il s’agit déjà d’une belle leçon de politique 101. Dont acte!