Jamais lu: L’amour au temps de la COVID

Le festival Jamais lu n’arrête jamais. La preuve: les événements de Montréal et de Paris se sont mariés dans le cadre de Paradis artificiel – Cabaret des oxymores. La sixième édition parisienne du festival a été reportée à l’an prochain, mais 20 autrices et auteurs d’ici et de la Francophonie ont concocté 10 balados qui parlent du monde actuel. Autour de l’idée d’oxymore, joli mot qui ne se lit jamais, mais qui se dit tout le temps. À moins que ce ne soit le contraire…

Rien ne peut remplacer l’art vivant devant un public en direct. On ne le dira jamais assez. Toutefois, réunir 10 couples de Francophones du Québec et d’autres pays pour créer un Paradis artificiel, une prise de parole autour d’oxymores, au moment où l’on a l’impression d’en vivre un méga-planétaire, relève d’une brillantissime idée.

Dès le printemps, le Festival Jamais lu a mis en marche des balados variant entre 10 et 15 minutes et mettant en vedette des duos d’autrices-teurs sur des thèmes comme: « révolution tranquille », « capitalisme vertueux », « silence assourdissant » et « mort-vivant ».

Marcelle Dubois, photo: Eugene Holtz

 » On a l’impression de vivre en plein oxymore en ce moment même, lance Marcelle Dubois, directrice du Festival Jamais lu et codirectrice artistique avec Fanny Brossard-Charbonneau à Montréal et Marc-Antoine Cyr sur Paris, comme on dit là-bas. On est tout seul ensemble et chacun chez soi pour sauver des vies. Dans cette ère où l’on se doit d’être hyper-solidaires, en même temps on a jamais été aussi seuls. « 

Ainsi, on pourra entendre – et lire bientôt sur le site du Jamais lu – des textes de Martin Bellemare, Marie-Louise Bibish Mumbu, Maxime Champagne, Gabrielle Chapdelaine, Emmanuelle Jimenez, Émilie Monnet, Éric Noël, Anne-Marie Olivier, Elena Stoodley et Elkahna Talb. Elles et ils sont accompagnés par des collègues de la Martinique, du Bénin, de la Suisse et de la France.

 » Comme lors du Jamais lu, on voulait donner la parole à ceux et celles capables de capter l’air ambiant et de le traduire, sans en parler de façon frontale. On a des balados plus rigolos, d’autres politiques ou sociaux. Ils parlent tous de notre monde actuel. « 

Tous les écrivains.e.s qui devaient participer au sixième Jamais lu à Paris sont à l’affiche. Elles et ils ont été approché.e.s dès le printemps. En septembre, le musicien français multi-bidouillages, Fred Costa a peaufiné les créations avec sons et musiques.

 » C’est un artistes extraordinaire qui improvise lors des cabarets parisiens et qui, là, a si bien traduit le thème de cette année en images sonores. »

Les autrices.teurs ont travaillé sur un même sujet chacun de leur côté, donnant lieu à des interprétations différentes des thèmes, comme on se l’imagine pour ce qui est de la très québécoise « révolution tranquille. »

 » Dans d’autres cas, note Marcelle Dubois, on voit qu’il y a des réflexions mondiales sur des sujets qui nous touchent tous et toutes à peu près de la même façon. « 

Ainsi, on peut entendre l’autrice libanaise Hala Moughaniec s’enregistrer de sa salle de bain à quelques jours de l’explosion à Beirut ; Marie Louise Bibish Mumbu décrier son envie de raconter des histoires plutôt que de seulement s’exprimer sur les enjeux raciaux ; Grégoire Vauquois attribuer à une brioche les traits du capitalisme ; et Émilie Monnet défendre la force de transmission entre les morts et les vivants…

 » Un ou deux textes empruntent la fiction, mais tous s’adressent assez directement au public. Un tel projet a du sens parce qu’on l’a pensé à l’avance pour l’audio. Pour le 19e Jamais lu à Montréal, on a aussi pensé aux captations, mais on s’est dit que ce ne serait mieux pas parce que les textes sont faits pour exister comme arts vivants devant public. »

19e Jamais lu

Reportée depuis mai dernier, cette édition sera donc en rattrapage avec une série de lectures entre janvier et mars 2021 avec les mots de Dany Boudreault, Maxime Brillon, Lauren Hartley, Marie Henry, Karen Hines, Mario Laframboise, Mishka Lavigne, Elena Stoodley et Mireille Paris lors de rencontres intimistes ou de laboratoires si les mesures sanitaires l’interdisent toujours.

 » La portion publique c’est une chose, souligne la directrice, mais les textes existent quand même. Pour nous, c’est important que ça se tienne, même sans public, parce qu’il ne faut pas invisibiliser le travail des autrices.teurs. « 

Presqu’au même moment, le concept des balados, écrits par des auteurs et des autrices locaux, sera repris avec quatre régions du Québec : l’Abitibi-Témiscamingue, l’Estrie, la Gaspésie et le Saguenay-Lac-Saint-Jean.

20e Jamais lu

Quant au 20e Festival Jamais lu de Montréal, il aura bel et bien lieu en mai 2021 avec l’espoir que les activités pourront se tenir, enfin! , devant public.

 » On se donne jusqu’après les Fêtes pour voir ce qu’on pourra faire. En mai prochain, je crois qu’on va beaucoup avoir besoin de culture avec le goût, aussi, de faire des choses avec le public, au moins à l’extérieur. On essaie de se garder des espaces de rêve. « 

 » Le Jamais lu et le Théâtre aux écuries aussi, nous ne sommes pas dans la grande machine de l’industrie culturelle. On est dans la naissance d’œuvres. Il faut trouver le moyen de valoriser les paroles d’autrices-teurs de la bonne façon. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant de défendre notre bannière, mais de soutenir les artistes. « 

infos: jamaislu.com