THÉÂTRE: L’amour ça se prend et puis ça se jette

Nathalie Doummar et Simon Lacroix dans L’amour est un dumpling, photos: Danny Taillon

Retrouver le plaisir de rire au théâtre sans que cela ne rime qu’avec le verbe divertir. L’amour est un dumpling est une production pertinente sur le temps présent et futur de nos relations amoureuses. Les espoirs, les fantasmes, les regrets aussi, suscités par ce verbe aimer qu’on conjugue tant bien que mal. Aussi bien en rire, sans doute.

La pièce de Nathalie Doummar et de Mathieu Quesnel, mise en scène par ce dernier, a été créée en forme courte à la Licorne en 2017. Nous avons droit, chez Duceppe, à une version incluant des scène inédites et présentées dans une somptueuse scénographie d’Odile Gamache.

Claudia et Marc se revoient dans un restaurant du Chinatown sept ans après leur séparation. Autrefois, le couple avait fait les 400 coups en Asie avec un groupe de musique qui s’est aussi dissous. Leurs sentiments l’un pour l’autre restent toutefois visiblement vivants. Les deux ont refait leur vie, mais Claudia, en raison d’un problème mécanique d’incompatibilité avec son conjoint, a une demande bien particulière à faire à Marc, lui de son côté, père de quatre enfants. Ils se reverront au même endroit quatre ans plus tard. Leur vie a encore changé, mais sont-ils vraiment différents?

On devine aisément de quoi il s’agit, mais au delà de l’acte physique, de l’attirance et du désir, c’est tout le brouillard amoureux qui est fouillé dans L’amour est un dumpling. Une nébuleuse à la fois complexe et décomplexée à l’ère contemporaine. Ces jeunes gens libres, malgré leur engagement respectif avec quelqu’un d’autre, en ont vu d’autres et ont probablement déjà tout essayé. Lors de leur deuxième rencontre, les sentiments demeurent toujours flous ou non-assumés, ce qui revient un peu au même.

Coco, Sissi et Claudia

Dans la préface des de ses deux textes précédents (Coco et Sissi, publiés chez Remue-ménage dans la collection la Nef), Nathalie Doummar parle du « désarroi » de ses personnages. On peut en dire autant de sa Claudia, et de Marc, dans cette pièce coécrite avec Mathieu Quesnel. Les thèmes du couple, de la parentalité, de la fidélité et du désir sont explorés avec finesse, mais nous laissant toujours un petit arrière-goût amer.

Englués dans des vies frôlant la banalité, les deux « amis-amoureux » ont sans doute besoin l’un de l’autre pour se rappeler les délices de la passion. Leur regard lucide, voire cynique cependant, sur la vie qui les entoure et leur propre vide intérieur, les empêchent, chaque fois, de revenir totalement en arrière, vers ce qu’ils ont été l’un pour l’autre, ou de changer définitivement de route devant. De quoi être désorienté, sinon désabusé.

Les dialogues savoureux se suivent à un rythme effréné. Du sur mesure pour ces acrobates du langage que sont Simon Lacroix et Nathalie Doummar. Les deux reprennent leur souffle grâce à la présence d’un troisième personnage, la dame du restaurant jouée par la sympathique Zhimei Zhang.

Maîtrisant totalement les moments comiques, la mise en scène de Mathieu Quesnel se sert aussi très bien du décor luxuriant et de tous les recoins du plateau pour faire bouger ses personnages qui, de toute manière, ne tiennent pas en place. Avec seulement trois acteurs·trices, la grande salle de Duceppe est rarement apparue aussi petite. Et, il y a la musique. Des chansons aux textes appropriés, interprétées avec aisance et de fort jolies voix. Simon Lacroix et Nathalie Doummar convainquent ainsi de l’étendue de leur talents.

Évidemment, la relation tordue de leur personnage respectif n’apporte que peu de réponses aux remises en question du couple moderne. Si l’amour est un dumpling, est-il aussi mou qu’on peut le voir ici ou aurait-il des vertus cachées dans les replis de sa pâte, si difficiles à saisir? Avec ou sans baguettes. Mystérieux, oui, savoureux, certes, nourrissant, peut-être pas.

L’amour est un dumpling est présentée chez Duceppe jusqu’au 25 avril, Il reste des billets pour les supplémentaires. En webdiffusion, une réalisation de Stéphane Lapointe, est aussi disponible.