
Hors de tout sensationnalisme ou de confessions impressionnistes, voici un très beau projet qui réunit 27 auteur·e·s et artistes visuels autour des effets du confinement causé par la crise pandémique. C’est un espace de réflexion et de création qu’ouvrent aujourd’hui sur le web Chantal Ringuet et Jean-François Vallée avec Le Novendécaméron. Le recueil numérique en pièces détachées est inauguré par nulle autre que Nicole Brossard.
L’auteure et chercheure Chantal Ringuet et le professeur de littérature au collégial et chercheur Jean François Vallée ont eu la merveilleuse idée de lancer un espace de création pour les écrivain·e·s et les artistes visuels afin de leur « donner la chance d’explorer des territoires intimes et collectifs durant le confinement ».
Les auteur·e·s avaient carte blanche pour écrire dans le genre littéraire de leur choix, mais il était clair, dès le départ, qu’on cherchait à éviter l’expérience française d’écrivain·e·s à succès décrivant une expérience, disons bucolique ou narcissique, de leur confinement l’an dernier.
Des auteurs·trices comme Nicole Brossard, dont le texte L’été de prose inaugure le recueil, Daniel Canty, Catherine Morency, Emmanuel Kattan, Hélène Rioux et Élise Turcotte ont répondu à l’appel. Il s’agit également d’une aventure internationale puisqu’on y retrouvera aussi des textes des Français·e·s Marie Céhère, Laure Gauthier, Pierre Troullier et l’Américain Alexander Dickow qui écrit en français.
« Avec la pandémie, beaucoup d’artistes ont déclaré qu’ils et elles n’arrivaient plus à créer même s’ils avaient du temps parce que c’était trop déstabilisant et que la vie était mise sur pause, raconte Chantal Ringuet. On a pensé qu’il était important d’offrir un espace de création en donnant la possibilité aux auteur·e·s d’ajouter aussi des illustrations à leur texte. »
L’idée des initiateurs du projet était de trouver rapidement une piste d’atterrissage pour ces textes dans le but de contourner l’alternative d’une publication papier qui nécessiterait deux ou trois ans de travail. D’où la plateforme web qui pourra tenir, éventuellement, des séances publiques avec les participant·e·s disponibles.

« On aimerait vraiment que cette formule de mise en ligne puissent permettre des échanges avec le lectorat. Jean-François et moi, c’est la première fois qu’on se lance dans une telle aventure. Heureusement, on est assisté par des étudiants en littérature numérique de l’Université de Montréal pour le design et la mise en ligne. »
De la peste à la COVID-19
Le nom du projet Novendécaméron est inspiré du Décaméron de Boccace qui portait sur la peste au 14e siècle et le préfixe « novendéca” évoque le chiffre 19, pour ne pas citer l’année ayant donné naissance à la tragédie historique que l’on vit et que peu de gens sur la terre auront connu dans leur vie.
La table des matières du recueil existe déjà, mais les organisateurs ont préféré garder un certain suspense sur le contenu des textes constituant le recueil. Le site lancera un texte, qui ne dépasse une longueur de 3500 mots, ou une série d’images chaque semaine.
Parmi les thèmes explorés : les relations transformées par la pandémie, l’incertain et l’imprévisible, les vies parallèles, la perception de soi et des autres à travers les écrans, la réinvention du monde, l’arrêt brutal des arts du spectacle vivant, la banalisation de la mort, etc.
« On ne cherchait pas de journaux de confinement. On voulait que les gens aillent plus loin dans leur réflexion. Tous les textes ne parlent pas de la situation présente non plus, mais d’autres contextes de confinement comme dans Le terrier de Kafka ou un enfermement involontaire, mais davantage évoqué dans l’imaginaire. Il y aussi des voix qui s’interpellent dans cet ensemble très disparate. »
Il n’y aura pas de photo des auteurs et autrices accompagnant les textes, mais chacun·e a accepté de décrire son expérience du confinement en une phrase, « ce qui rend les courtes biographies très vivantes », conclut Chantal Ringuet.
À la fin des publications hebdomadaires, un recueil numérique sera publié. Le Novendécaméron est accueilli sur la structure de publication web Ramures.org.
Site: ramures.org