Félix-Antoine Boutin, photo: Fabrice Gaëtan Lousie Bédard, photo: Fabrice Gaëtan
Rencontre, dualité, échanges, contrastes… La pièce Face-à-face de Jérémie Niel fait se rencontrer le réel et la fiction, le théâtre et la danse, la parole et le geste. La vérité se trouve-t-elle toujours dans les entre-deux? Dans le conflit ou dans l’accord, la compétition ou la collaboration? Voilà les questions que se posent le créateur avec ses collègues Catherine Gaudet, Félix-Antoine Boutin et Louise Bédard.
Spectacle planifié pour avril 2020, Face-à-face sera finalement présenté au Théâtre La Chapelle dès ce soir et jusqu’au 11 avril prochain. Le temps supplémentaire, un-petit-merci-à-la-pandémie, aura permis de peaufiner ce projet initié par Jérémie Niel. Il a travaillé en collaboration avec la chorégraphe Catherine Gaudet, la danseuse et chorégraphe Louise Bérard et le dramaturge, acteur et metteur en scène Félix-Antoine Boutin.
« Cela nous a effectivement permis d’approfondir notre réflexion », avoue Jérémie Niel.
Le face-à-face en question met en scène deux personnages, réels et fictifs selon le moment, dans une rencontre théorique et pratique entre le théâtre et la danse. Dédoublements en vue dans ce spectacle qui cherche à nommer ce qu’on préfère occulter sur scène habituellement.

« Félix-Antoine et Louise se présentent au public comme metteur en scène et chorégraphe. En même temps, il et elle se déplacent sur la frontière entre la fiction et le réel. Tout en étant les représentants de nos pratiques à Catherine [Gaudet] et à moi. C’est une tension comportant à la fois une réflexion théorique et la magie de la fiction. Qu’est-ce que cela veut dire d’être en scène devant un public? «
On peut penser à une démarche, s’apparentant à celle de l’artiste Jacob Wren, dont l’enjeu principal reste de trouver comment rester soi-même sur une scène. « C’est l’un des moteurs de notre travail, confirme Jérémie Niel. Ce qu’on pourra voir et entendre, en tout cas, ce sera du théâtre, de la danse et du texte. »
Difficile d’en dire plus sans dévoiler le portrait complet de la relation singulière qu’une telle pièce tente d’établir avec le public. Le projet a donc nécessité les idées et les talents multiples de chacun·e.
Dans la vie, faut-il le rappeler, Félix-Antoine Boutin joue, écrit et met en scène, Louise Bédard danse et chorégraphie. Les quatre complices, inutile de le dire, se connaissaient déjà fort bien.
« C’est une création, dit Jérémie Niel. Il y a beaucoup des quatre dans le projet. Quand on parle d’interprétation en danse, ça vient beaucoup de Louise. Catherine et moi, cependant, on reste la chorégraphe et le metteur en scène. Mais on aurait eu du mal à monter cette pièce si ce n’était de notre complicité déjà établie, notamment face à notre vision de la création. »
Cette amitié est rendue également nécessaire parce que les partitions ne sont jamais complètement écrites dans beaucoup de pièces de Jérémie Niel. « J’aime beaucoup ces moments où le jeu est très oralisé et spontané. Je trouve ça beau en scène. Ça fait longtemps que je travaille avec cette idée-là. »

Théâtre vs danse
Le questionnement central de la pièce tourne autour des relations qu’entretiennent le théâtre et la danse, selon les particularités et les limites de chaque discipline.
« Les artistes en danse nous reprochent souvent de vouloir trop nommer et de trop parler, explique le metteur en scène. Dans la pièce, Félix-Antoine est plus bavard alors que Louise dit qu’il faut arrêter de parler et faire. Les danseurs ont besoin de plonger avant de parler, les acteurs parlent avant de plonger. »
En tant que tels, le théâtre physique ou la danse. utilisant parfois du texte dit ou écrit, arrivent rarement à construire un pont indestructible entre les pratiques. Y a-t-il un réelle fusion possible entre les deux?

« C’est exactement ce qu’on essaie d’explorer, note Jérémie Niel. Honnêtement, je n’ai pas la réponse. Comme artiste, je cherche cette utopie. Je suis très attiré par le geste abstrait chorégraphique. La danse est en quête d’une beauté pure qu’il y a dans l’abstraction et le théâtre peut apprendre beaucoup de ça. En même temps, on voit Pina Bausch et on se dit que c’est possible, mais bon. La démarche est super belle. Je tente cette fusion en travaillant avec des danseurs et avec Catherine Gaudet. »
Les gens de théâtre risque de rester fascinés encore longtemps par le monde intérieur que la danse réussit à mettre en scène.
« En théâtre, on est pris dans le concret. L’abstraction nous ferait du bien. Ceci dit, plusieurs créateurs en danse s’inspirent du théâtre comme Alain Platel ou Dave Saint-Pierre. Mais j’ai l’impression que les danseurs sont plus libres que moi. Personne ne leur reprochera de faire appel à la musique, au théâtre ou au cinéma. Ça va rester de la danse. «

https://www.danse-cite.org/fr/spectacles/2021/face-a-face